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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/142

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fortement tentée de renvoyer à la vieille dame le chétif cadeau que l’avarice aux prises avec l’orgueil lui avait arraché. Mais, après quelques réflexions, elle se détermina à lui écrire qu’elle l’acceptait comme un prêt qu’elle espérait lui rendre un jour. Elle lui demanda en même temps ses conseils sur l’invitation qu’elle avait reçue du colonel Mannering. La réponse arriva par le plus prochain courrier : mistress Bertram craignait qu’un faux jugement et un amour-propre mal entendu, expressions dont elle se servait dans sa lettre, n’engageassent miss Lucy à refuser des offres aussi obligeantes et à préférer d’être à la charge de sa famille. Miss Bertram n’avait donc pas d’autre parti à prendre, à moins qu’elle ne voulût rester auprès du digne Mac-Morlan, qui avait l’âme trop généreuse pour être riche. Les familles qui lui avaient fait des offres de services lors de la mort de son père, paraissaient l’avoir oubliée, soit qu’on fût charmé intérieurement qu’elle ne les eût pas acceptées, soit qu’on fût piqué de la préférence qu’elle avait donnée à celles de Mac-Morlan.

Dominie se serait trouvé dans une bien fâcheuse position, si la personne qui portait de l’intérêt à miss Bertram n’eût été le colonel Mannering, qui aimait tout ce qui avait un air d’originalité. Mais instruit par Mac-Morlan des procédés de Dominie envers la fille de son ancien patron, le colonel avait pris pour lui la plus grande estime, et s’étant informé s’il conservait toujours cette admirable taciturnité qui faisait à Ellangowan son caractère distinctif, il avait appris qu’il était toujours le même. « Dites, je vous prie, à M. Sampson, manda-t-il à Mac-Morlan dans sa réponse, que j’aurai besoin de son secours pour classer et mettre en ordre la bibliothèque de mon oncle l’évêque, que l’on doit, conformément à mes ordres, m’envoyer par mer ; j’aurai aussi quelques écritures à faire, et quelques papiers à ranger. Fixez ses appointements à une somme convenable ; faites-le habiller d’une manière propre et décente, et qu’il accompagne sa jeune pupille à Woodbourne. »

L’honnête Mac-Morlan reçut cette nouvelle commission avec un véritable plaisir ; mais la recommandation de faire habiller décemment Dominie ne lui causa pas peu d’embarras. Il l’examina avec attention, et il ne vit que trop clairement que ses habits étaient dans un bien triste état. Lui donner de l’argent et lui dire de s’en faire faire d’autres, c’eût été lui donner les moyens d’attirer sur lui le ridicule ; car lorsque par hasard il arrivait à M. Sampson de renouveler quelques-uns de ses vêtements, son goût l’inspirait