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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/150

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ses préventions, avait faite à cet officier. Mais sa promotion, de même que sa sortie de captivité, n’avait eu lieu qu’après le départ de Mannering. Le régiment ayant été rappelé dans la mère-patrie, le premier soin de Brown fut de s’informer de la résidence de son ancien colonel ; il sut que Miles Mannering s’était dirigé vers le nord, et il suivit la même route dans l’intention de revoir Julia. Il se croyait dispensé de garder aucune mesure avec le père de sa jeune amie ; car, ignorant les perfides soupçons qu’Archer avait fait naître dans l’esprit du colonel, il le regardait comme un tyran qui avait abusé de son autorité pour le priver de l’avancement dû à ses services, et qui, en l’amenant à se battre avec lui, n’avait voulu que le punir de ses assiduités auprès d’une jeune demoiselle qui était loin de s’en offenser et dont la mère les autorisait. Il était donc déterminé à remettre son sort entre les mains de Julia seule, regardant la blessure qu’il avait reçue, l’emprisonnement et les malheurs qui s’en étaient suivis, comme une excuse légitime d’un tel manque d’égards pour le colonel. Nos lecteurs savent jusqu’à quel point ce plan lui avait réussi lorsque ses visites nocturnes furent découvertes par M. Mervyn.

Dans cette circonstance fâcheuse, Brown quitta l’auberge où il logeait sous le nom de Dawson, ce qui rendit inutile la tentative du colonel Mannering pour découvrir l’artiste qui donnait à sa fille des sérénades sur le lac. Toutefois il résolut de ne point se désister de son entreprise, tant que Julia lui laisserait un rayon d’espérance. L’intérêt qu’il avait su inspirer à la fille du colonel était si grand, elle avait su si peu le lui cacher, qu’il se détermina à suivre son plan avec une constance romanesque. Mais le lecteur aimera mieux apprendre de Brown lui-même quelles sont ses pensées et ses intentions ; nous lui donnerons donc communication d’une lettre qu’il écrivait au capitaine Delaserre, d’origine suisse, qui servait avec lui, son meilleur ami et son confident.


extrait.


« Donnez-moi donc de vos nouvelles, mon cher Delaserre ; vous savez que ce n’est que par vous que je puis savoir ce qui se passe au régiment, et il me tarde d’apprendre ce qui s’est passé à la cour martiale d’Ayre ; si Elliot a obtenu la majorité, si le recrutement se fait bien, et comment les jeunes officiers s’habituent à la vie militaire. Quant à notre ami le lieutenant-colonel, je ne vous en demande pas de nouvelles, je l’ai vu à mon passage à Nottingham,