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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/193

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quand vous êtes entré. C’était le râle de la mort. Le voilà mort ! » Dans ce moment, on entendit plusieurs voix à quelque distance. « Ils viennent, dit-elle à Brown ; eussiez-vous autant de vies qu’il y a de cheveux sur votre tête, vous êtes un homme mort. » Brown jeta les yeux autour de lui, cherchant une arme pour se défendre ; il n’y en avait pas ; il se précipita alors vers la porte, dans l’intention de se jeter dans le bois et de s’échapper d’un lieu qu’il considérait comme une caverne de meurtriers. Merrilies le retint avec une force au-dessus de celle de son sexe. « Restez, dit-elle, restez, et vous serez sauvé. Mais, quoi que vous voyiez ou entendiez, ne faites aucun mouvement, et il ne vous arrivera aucun malheur. »

Brown, dans cette position désespérée, se rappela sa première rencontre avec cette femme, et pensa que le seul moyen de se sauver était de lui obéir. Elle le fit coucher au milieu d’un monceau de paille dans un coin de la chambre, en face du cadavre, le couvrit avec soin, et jeta sur lui deux ou trois vieux sacs qui se trouvaient là. Curieux de savoir ce qui allait arriver, Brown arrangea aussi doucement qu’il put les objets qui le cachaient, se ménagea une ouverture, et attendit avec anxiété l’issue de cette étrange et dangereuse aventure. Pendant ce temps, la vieille Égyptienne disposait le corps du défunt, étendait ses membres, plaçait les bras de chaque côté. « Il vaut mieux faire cela, murmurait-elle, avant qu’il soit roide. » Elle plaça sur le sein du cadavre une assiette de bois remplie de sel, une chandelle à la tête et une aux pieds, et les alluma toutes deux. Puis, reprenant ses chants, elle attendit l’arrivée de ceux dont on entendait les voix au dehors.

Brown était soldat, il était brave, mais il était homme aussi ; et dans ce moment ses craintes l’emportèrent tellement sur son courage, qu’une sueur froide lui coulait par tous les pores. Il songeait qu’il pouvait être découvert dans sa retraite par ces misérables qui probablement n’étaient autres que des assassins, qu’il était sans armes et sans aucun moyen de défense ; ses supplications ne serviraient qu’à les divertir, ses cris pour appeler du secours ne frapperaient d’autres oreilles que les leurs ; enfin sa sûreté reposait sur la compassion précaire d’un être associé à ces brigands, et dont le cœur, par suite de ses habitudes de rapine et d’impostures, était fermé à tout sentiment humain. Anéanti sous le poids de ces réflexions, il s’efforça de lire dans les traits noirs et flétris de l’Égyptienne, que la lampe éclairait, quelque chose qui promît ces sentiments de pitié que les femmes, même dans le dernier degré d’a-