Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/196

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niers des ânes, qui leur eût volé un chiffon. Mais vous ne suivez pas nos bonnes règles d’autrefois, et il n’est pas étonnant qu’on mette en prison et qu’on pende si souvent quelqu’un de vous. Oui, vous êtes tout changés : vous mangez le repas d’un brave homme, vous buvez sa boisson, vous dormez sur sa paille dans sa grange, et pour l’en remercier, vous forcez sa porte et vous lui coupez le cou ! Aussi, il y a du sang sur vos mains, chiens que vous êtes, plus qu’il n’y en aurait si vous combattiez loyalement. Voyez comment il est mort ; il a été long-temps à mourir ; il se débattait, il luttait avec force dans son agonie, et il ne pouvait ni vivre ni mourir ; mais pour vous, la moitié du pays vous verra orner la potence. »

Les paroles de Meg furent accueillies par les éclats de rire de la compagnie.

« Qui vous a fait revenir ici, vieille sorcière ? dit un des Égyptiens ; ne pouviez-vous pas rester où vous étiez, et dire la bonne aventure dans les plaines du Cumberland ? Sortez, faites la garde, vieille diablesse, et veillez à ce que personne ne nous découvre ; vous n’êtes plus bonne qu’à cela maintenant.

— Ah ! je ne suis plus bonne qu’à cela ! dit la matrone indignée. J’étais bonne à quelque chose de mieux dans le grand combat entre notre troupe et celle de Patrico Salmon ; si ces bras ne vous avaient secouru (elle leva ses mains), Jean Bailli vous eût étranglé, misérable avorton que vous êtes ! »

Ici nouveaux éclats de rire, mais aux dépens du héros qui avait reçu le secours de l’amazone.

« Tenez, la mère, dit un des matelots, prenez ce verre, et ne pensez plus à ce tapageur fanfaron. »

Meg but la liqueur, et, s’éloignant d’eux, alla s’asseoir devant l’endroit où Brown était caché, de telle manière qu’il aurait été difficile qu’on s’approchât de la cachette sans qu’elle se levât. Les brigands, cependant, ne montraient aucune envie de la déranger. Ils se serrèrent autour du feu, et tinrent conseil entre eux ; mais, comme ils parlaient bas et se servaient de termes d’argot, Brown ne pouvait guère comprendre ce qu’ils disaient. Il entendit seulement qu’ils proféraient de grandes menaces contre un individu. « Il aura son compte[1], » disait l’un, et il murmura quelques mots très bas à l’oreille de son camarade.

  1. Il y a dans le texte gruel, qui signifie grua ; comme le bas peuple dit en France il aura sa pâtée. a. m.