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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/220

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bourne) avec les plus grandes précautions. J’espère que la blessure ne sera pas dangereuse, quoiqu’il souffre beaucoup. Quant à Brown, je n’ose calculer les conséquences de cet événement. Il était déjà l’objet du ressentiment de mon père ; maintenant le voilà menacé par les lois du pays, et par la bruyante vengeance du père d’Hazlewood, qui remuera, dit-il, ciel et terre contre celui qui a blessé son fils. Comment pourra-t-il se dérober aux actives poursuites de cet homme vindicatif ? Comment, s’il est arrêté, échapper à la sévérité des lois qui, à ce qu’on m’assure, va jusqu’à menacer sa vie ? Quel moyen trouverai-je de l’avertir de ce danger ? Le chagrin mal déguisé de Lucy, à cause de la blessure de son amant, est pour moi une autre source d’affliction. Tout, autour de moi, semble déposer contre l’indiscrétion qui a occasionné ce malheur.

« Pendant deux jours j’ai été bien malade ; la nouvelle qu’Hazlewood allait mieux, et qu’on n’avait rien découvert sur la personne qui l’avait blessé, sinon que c’était un des chefs des contrebandiers, me rendit un peu décourage. Les soupçons et les poursuites étant dirigés contre ces derniers, il sera plus facile à Brown de s’échapper, et je me flatte qu’il est en ce moment en lieu de sûreté. Mais des patrouilles à pied et à cheval parcourent le pays dans toutes les directions, et je suis sans cesse tourmentée par mille bruits confus et mensongers de découverte et d’arrestation.

« Cependant j’ai un grand motif de consolation : c’est la généreuse candeur d’Hazlewood, qui persiste à déclarer que, quelles que fussent les intentions de celui qui l’a blessé, au moment où il s’approcha de notre société, le fusil ne partit que par accident, et sans qu’il y ait eu intention de la part de ce malheureux. Le domestique, d’un autre côté, affirme que l’arme arrachée des mains d’Hazlewood a été tournée contre lui, et Lucy incline vers cette opinion. Je ne puis les soupçonner d’altérer volontairement la vérité ; mais combien grande est la trompeuse incertitude des témoignages humains ! car, j’en ai la certitude, le fusil ne partit que par accident. Peut-être le meilleur parti serait de confier mon secret à Hazlewood ; mais il est si jeune ! et j’éprouve une répugnance invincible à lui faire part de ma folie. J’eus un moment la pensée de découvrir tout le mystère à Lucy, et je lui demandai si elle se rappelait la tournure et les traits de l’homme que nous avions rencontré : elle se mit alors à m’en faire une si affreuse description,