Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lignité se mêlât à une opposition ferme, constante, et en apparence consciencieuse des deux côtés. — Pour vous, monsieur Pleydell, que pensez-vous des points sur lesquels ils ne sont pas d’accord ? — Mais, colonel, j’espère qu’un honnête homme peut aller au ciel sans avoir d’opinion là-dessus. D’ailleurs, inter nos[1], je suis, membre de l’église épiscopale d’Écosse, église souffrante, l’ombre d’une ombre maintenant ; et en vérité ce n’est pas un malheur. Cependant j’aime à prier où priaient mes pères avant moi, sans pour cela penser plus mal du culte presbytérien, ni de ceux dont je ne partage pas les idées. » Après cette remarque, ils se séparèrent jusqu’à l’heure du dîner.

À en juger par l’épouvantable entrée de la maison de l’avocat, Mannering ne s’attendait pas à être bien somptueusement traité. Elle lui parut encore plus sombre pendant le jour que le soir précédent. Les maisons des deux côtés de la rue étaient si peu éloignées, que les habitants auraient pu, de leurs fenêtres, situées en face l’une de l’autre, se donner la main ; quelques-unes même communiquaient entre elles par des galeries en bois. L’escalier de celle où demeurait Pleydell était d’une malpropreté dégoûtante. En entrant dans l’appartement, Mannering remarqua avec peu de plaisir un corridor sombre et étroit. Mais la bibliothèque, dans laquelle il fut introduit par un domestique âgé, d’une figure respectable, faisait un contraste complet avec ce corridor de mauvaise apparence. C’était une pièce d’une assez grande étendue, ornée d’un ou deux portraits de personnages célèbres d’Écosse, par Jamieson, le Van-Dyck de la Calédonie, et garnie, de toutes parts, de livres, les meilleures éditions des meilleurs auteurs, notamment d’une admirable collection des classiques.

« Voilà, dit M. Pleydell, les outils de mon métier. Un avocat sans connaissances en littérature est un automate, un misérable manœuvre ; s’il est un peu versé dans ces connaissances, il a peut-être le droit de se croire un architecte. »

Mannering fut surtout enchanté de la vue dont on jouissait des fenêtres. Elles donnaient sur la magnifique campagne entre Édimbourg et la mer, sur le Forth avec ses îles, la baie qui se termine par le promontoire de Berwick, les côtes voisines de Fife au nord, dont les hauteurs se détachaient sur un horizon pur et azuré.

Après avoir suffisamment joui de la surprise de son hôte, M. Pleydell appela son attention sur les affaires de miss Bertram. « J’espé-

  1. Entre nous. a. m.