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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/7

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INTRODUCTION.


La nouvelle ou le roman de Waverley fit son chemin dans le public, d’abord lentement, comme il était naturel ; mais ensuite sa popularité s’accrut tellement que l’auteur fut engagé à tenter un second essai. Il chercha un nom et un sujet ; et l’on ne peut mieux faire connaître la manière dont ce roman fut composé, qu’en racontant simplement l’histoire sur laquelle Guy Mannering est fondé, mais avec laquelle, dans le cours de la composition, cet ouvrage cesse d’avoir la ressemblance même la plus éloignée. Cette histoire me fut d’abord racontée par un vieux serviteur de mon père, un excellent vieillard highlandais[1], qui n’avait d’autre défaut que celui de préférer la rosée des montagnes[2] à toutes les autres liqueurs moins fortes, si toutefois c’est là un défaut. Il croyait aussi fermement à cette histoire qu’à toutes les parties de sa foi.

Un homme grave et âgé, suivant le rapport du vieux John Mac-Kinlay, fut surpris par la nuit en traversant les solitudes sauvages du Galloway. Ce ne fut pas sans difficulté qu’il parvint à gagner une maison de campagne où l’hospitalité qui caractérisait l’époque et le pays le fit admettre aussitôt. Le propriétaire de la maison, gentleman d’une fortune honnête, frappé de l’aspect vénérable de son hôte, lui fit des excuses pour la confusion qui accompagnait nécessairement sa réception, et qui ne pouvait échapper à ses yeux : la dame de la maison était, lui dit-il, confinée dans son appartement et sur le point de le rendre père pour la première fois, quoiqu’ils fussent mariés depuis dix ans. Le laird ajouta que, dans une telle conjoncture, il craignait que son hôte ne se trouvât un peu négligé en apparence.

« Non, monsieur, répondit l’étranger, mes besoins sont peu nombreux, j’y pourvois aisément, et je suis sûr que les circonstances présentes peuvent même me fournir l’occasion de vous prouver ma reconnaissance pour votre hospitalité. Je vous prie seulement de me faire connaître la minute précise de la naissance de l’enfant qui va faire son entrée dans ce monde frivole et changeant, et j’espère pouvoir vous révéler quelques particularités qui auront une influence importante sur son avenir. Je ne vous cacherai pas que

  1. C’est-à-dire des montagnes d’Écosse. a. m.
  2. Le whisky, espèce d’eau-de-vie de grain. a. m.