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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/71

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large sabre sans fourreau, et tous avaient le poignard des Highlands, sans chercher toutefois à en faire parade. Suivaient les ânes chargés de bagages et des petits chariots ou tumbers, comme on les appelait dans le pays, portant les infirmes et les malades, les vieillards et les enfants de la horde exilée. Les femmes avec leurs vêtements rouges et leurs chapeaux de paille, et les aînés les pieds et la tête nus et le corps presque entièrement nu aussi, prenaient soin de la petite caravane. La route était étroite, et passait au milieu de deux monticules de sable : le domestique de M. Bertram courut en avant, claquant de son fouet avec un air d’autorité et ordonnant aux exilés de laisser le passage libre à ceux qui valaient mieux qu’eux. On ne fit aucune attention à ses ordres ; il s’adressa alors aux hommes qui marchaient nonchalamment en tête de la troupe : « Restez à la tête de vos bêtes et faites place au laird.

— Il aura sa part de la route, » répondit un Égyptien de dessous son chapeau rabattu et aux larges bords, et sans lever la tête, « et il n’aura rien de plus ; le grand chemin est aussi libre pour nos ânes que pour son cheval hongre. »

Le ton de cet homme était brusque et même menaçant ; M. Bertram pensa que ce qu’il y avait de mieux à faire était de mettre sa dignité dans sa poche, et de prendre le long de la caravane le chemin étroit qu’on voulait bien lui laisser. Pour cacher sous un air d’indifférence le sentiment que lui inspirait ce manque de respect, il s’adressa à l’un des Égyptiens qui le dépassait sans le saluer ou avoir l’air de le connaître. « Gilles Baillie, dit-il, avez-vous appris si votre fils Gabriel se trouve bien ? » C’était le jeune homme qu’on avait embarqué par force.

« Si j’avais appris autre chose, dit le vieillard en levant les yeux avec un regard sévère et menaçant, vous l’auriez appris aussi. » Et il suivit son chemin sans attendre une autre question[1]. Lorsque le laird eut traversé, non sans difficulté, ce groupe de figures qui lui étaient connues et sur lesquelles il ne lisait alors que la haine et le mépris, au lieu du respect dont il était autrefois l’objet comme leur supérieur, sorti de cette cohue, il ne put s’empêcher de tourner son cheval et de regarder en arrière pour observer leur marche. Ce groupe aurait fourni un excellent sujet au burin de Callot. L’avant-garde avait déjà gagné un petit taillis rabougri qui était au pied de la colline, et le reste de la caravane s’y enfonça successivement jusqu’au dernier traîneur.

  1. Cette anecdote, dit l’auteur, est un fait exact. a. m.