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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/114

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lement, peu m’importe qu’on le sache, ne m’aime pas… Le conseil d’État, qui met en action le gouvernement exécutif du royaume, m’aime encore moins. Je ne saurais dire pourquoi ils nourrissent des soupçons contre moi, si ce n’est parce que je refuse de leur livrer cette pauvre et innocente armée qui m’a suivi dans un si grand nombre de campagnes, et qu’ils veulent congédier, licencier, réduire, de sorte que ceux qui ont protégé l’État aux dépens de leur sang, n’auront pas, peut-être, les moyens de se nourrir, quels qu’aient été leurs travaux : et c’est, ce me semble, une criante injustice, puisque c’est dépouiller Ésaü de son droit d’aînesse, sans l’indemniser d’un pauvre plat de lentilles. — Ésaü saura bien le prendre lui-même, je pense, répondit Wildrake. — Ma foi, tu dis vrai, répliqua le général : c’est folie que de chercher à prendre par la famine un homme armé, si, pour avoir des vivres, il n’y a qu’à se baisser pour en prendre… Loin de moi la pensée, cependant, d’encourager la rébellion ou de manquer de subordination envers ceux qui nous gouvernent. Je voudrais seulement demander d’une manière décente et convenable, douce et harmonieuse, qu’on daignât écouter nos conditions et considérer nos pressants besoins. Mais, monsieur, lorsqu’ils me témoignent si peu d’égards, si peu d’estime, vous devez sentir que ce serait de ma part une provocation au conseil d’État, au parlement, si, dans le but seul de plaire à votre digne maître, j’allais m’opposer à leurs desseins ou à l’action des commissaires agissant sous leur autorité, qui est encore aujourd’hui la plus grande de l’État… et puisse-t-elle l’être encore long-temps pour mon bonheur !… pour empêcher le séquestre qu’ils ont ordonné. Et ne dirait-on pas aussi que je porte de l’intérêt aux malveillants, si je permettais que cet ancien refuge de tyrans sanguinaires et voluptueux fût de nos jours un asile pour un vieil et invétéré Amalécite, et que sir Henri Lee restât en possession du lieu où il s’est si long-temps glorifié ? Vraiment, la tentative serait dangereuse. — Dois-je donc aller dire au colonel Éverard, s’il vous plaÎt, répliqua Wildrake, que vous ne pouvez le servir dans cette affaire ? — Sans condition, oui mais avec condition, la réponse peut être différente… Je vois que tu n’es pas capable de comprendre ma pensée : je vais donc le l’expliquer plus au long… Mais sache bien que si ta langue divulguait mes secrets au delà de ce qui est nécessaire pour les communiquer à ton maître, partout le sang qui a été versé dans ces temps désastreux, tu mourrais plutôt mille fois qu’une ! — Ne craignez rien, monsieur, » dit Wildrake