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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/131

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digne colonel, je ne vois pas que je puisse avec prudence m’approcher de ce bœuf furieux et menaçant Desborough, ou de cet ours cruel et sanguinaire Harrison, ou de ce froid et venimeux serpent Bletson… ni de tous ces coquins qui occupent à cette heure la Loge, y vivant à plaisir, et regardant comme leur propriété tout ce qui leur tombe sous la main, et où, comme tout le monde dit, le diable est venu leur servir de quatrième. — Tout ce que vient de dire maître Holdenough, digne et noble monsieur, reprit le maire, est l’exacte vérité : nos privilèges sont déclarés nuls, nos troupeaux nous sont pris dans les pâturages mêmes. Ils parlent d’abattre et de détruire le beau parc qui fit si long-temps les délices de tant de rois, et de ne pas plus respecter Woodstock qu’un chétif village ! Je vous avoue que nous avons appris votre arrivée avec joie, et que nous étions étonnés de voir que vous restassiez ainsi renfermé chez vous. Nous ne connaissions personne, excepté votre père et vous, qui pût défendre de pauvres bourgeois dans cette extrémité, puisque la plupart des nobles d’alentour sont malveillants, et leurs biens séquestrés. Nous espérons donc que vous interviendrez chaudement en notre faveur. — Certainement ; monsieur le maire, » dit le colonel, qui se vit avec plaisir déjà prévenu, « mon intention était d’intervenir dans cette affaire ; et je ne me suis tenu à l’écart que pour attendre les instructions du lord général. — Un pouvoir du lord général ! » dit le maire en poussant le coude du ministre… « Entendez-vous cela ?… quel coq osera combattre contre lui ? Nous ne les craignons plus maintenant, et Woodstock sera toujours le beau Woodstock. — Ne m’enfoncez donc pas votre coude dans le côté, l’ami, » dit Holdenough incommodé du geste dont le maire avait accompagné ces paroles ; « et puisse le Seigneur faire que Cromwell ne soit pas aussi dur pour le peuple anglais que vos os pour mon pauvre corps ! Cependant je suis d’avis que nous usions de son autorité pour mettre un frein à la licence de ces brigands. — Eh bien ! partons donc sur-le-champ, dit Éverard, et j’espère que nous trouverons ces messieurs raisonnables et obéissants. »

Les deux fonctionnaires, le laïque et l’ecclésiastique, y consentirent avec joie ; et le colonel pria Wildrake, qui ne s’y refusa point, de lui donner son manteau et sa rapière, comme s’il eût été réellement son valet. Le Cavalier eut pourtant l’adresse, en exécutant cet ordre, de lui pincer le bras pour maintenir secrètement le niveau de l’égalité entre eux.