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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/192

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sur le côté, était une circonstance alors présente à ses yeux et à son imagination agitée. Était-il donc possible qu’un homme assassiné revînt dans l’habitation de celui qui l’avait expulsé de la scène avant qu’il eût reçu absolution de ses péchés ? Et si cela était, cette permission ne pouvait-elle pas autoriser d’autres apparitions de la même nature, pour avertir… pour instruire… pour punir ? Sa conclusion était que, s’il fallait être téméraire et crédule pour admettre comme vraie toute histoire de ce genre, il n’y avait pas moins de témérité à limiter la puissance du Créateur sur les ouvrages qu’il a produits, et à supposer que les lois de la nature ne pouvaient, dans des cas particuliers et pour de grands motifs, être momentanément interrompues du consentement de leur auteur.

Tandis que ces pensées se présentaient à l’esprit d’Éverard, des sentiments qu’il n’avait jamais connus, même quand il s’était trouvé pour la première fois dans la mêlée chaude et périlleuse d’une bataille, envahissaient son esprit. Il craignait sans savoir pourquoi ; et lorsqu’un danger visible et inévitable eut enflammé son courage, l’incertitude absolue de sa position lui rendait ses craintes bien plus grandes. Il avait bien envie de sauter en bas de son lit, et de rallumer le feu couvert, espérant que la flamme lui montrerait quelque étrange spectacle dans sa chambre. Il était aussi violemment tenté d’éveiller Wildrake ; mais la honte, plus forte que la crainte, l’empêcha de le faire. « Quoi ! pensera-t-on que Markham Éverard, qui a la réputation d’être un des meilleurs soldats qui aient tiré l’épée dans cette triste guerre… Markham Éverard, qui a mérité un si haut grade dans l’armée parlementaire, quoique encore si jeune, a eu peur de rester seul dans une chambre obscure, à minuit ?… On ne le dira jamais. »

Ces réflexions ne furent pourtant pas un charme contre le cours désagréable de ses pensées. Les différentes traditions que l’on avait faites sur l’appartement de Victor Lee se représentaient à lui ; et quoiqu’il les eût souvent regardées comme des bruits vagues, sans authenticité et sans fondement, engendrées par la superstition de nos pères, et transmises de génération en génération par la crédulité bavarde, cependant elles avaient quelque chose qui ne tendait guère à apaiser en ce moment l’irritation de ses nerfs. Puis quand il se rappelait les événements de la soirée même, l’épée qu’on appuyait sur sa gorge, le bras vigoureux qui le retenait étendu sur le plancher… si ce souvenir servait à dissiper les idées de fantôme en campagne, et de poignards imaginaires, il le por-