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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/200

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l’avait fermée le soir précédent. L’apparition qui avait une si grande ressemblance avec Victor Lee fixa surtout son attention : de ridicules histoires avaient souvent couru au sujet de cette figure, ou d’une exactement semblable, qu’on avait rencontrée de nuit au milieu des appartements et des corridors déserts du vieux château ; et Markham Éverard avait souvent entendu faire de pareils contes dans son enfance. Il était honteux de se rappeler son manque de courage, et le frisson qui l’avait saisi la nuit précédente lorsqu’un tel objet lui était apparu.

« Assurément, se dit-il, cet accès de puérile folie n’a pu me faire manquer mon coup ; il est plus probable que la balle a été retirée secrètement de mon pistolet. »

Il examina celui qu’il n’avait pas déchargé ; il y trouva encore la balle. Il visita l’appartement à l’endroit où il avait tiré, et à cinq pas de la place, en ligne droite entre la ruelle du lit et le lieu où s’était montré l’apparition, une balle de pistolet s’était enfoncée tout récemment dans la boiserie. Il n’était donc plus douteux qu’il avait tiré dans la bonne direction ; et de fait, pour arriver à l’endroit où elle s’était logée, il fallait que la balle eût passé à travers le fantôme qu’il visait, et frappé le mur auquel il était adossé. C’était un vrai mystère, et il fut de là fondé à se demander si la sorcellerie et les arts cabalistiques n’avaient pas secondé les machinations de ces hardis conspirateurs qui, mortels eux-mêmes, pouvaient néanmoins, selon la croyance universelle de l’époque, demander et obtenir secours des habitants de l’autre monde.

Il dirigea ensuite ses investigations sur le portrait même de Victor Lee : il examina minutieusement quelle figure il lui voyait sur la toile, et compara les traits pâles, mal arrêtés, à peine tracés même du tableau, ses couleurs passées, la sombre immobilité de l’œil, et la pâleur de mort empreinte sur sa physionomie, avec l’être si différent qu’il avait vu la nuit précédente, quand il était éclairé par la lumière artificielle qui tombait en plein sur lui, tandis qu’elle laissait les autres parties de la chambre dans une obscurité presque complète. Il avait trouvé en ce moment sa figure plus animée, et le feu, en s’allumant et en s’éteignant, donnait à la tête et aux jambes quelque chose qui ressemblait à un mouvement réel. Vu au jour, ce n’était qu’une simple peinture de la dure et vieille école d’Holbein. Déterminé à pénétrer plus avant dans ce mystère, s’il était possible, Éverard examina le portrait de plus près encore, et voulut s’assurer qu’il n’existait aucun ressort caché au moyen duquel