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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/203

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leurs dîmes ; mais j’étais alors, moi, dans mon élément pur, et jamais je n’ai désiré ni ne pourrai désirer de plus joyeux jours que ceux que j’ai passés durant cette rébellion barbare, sanguinaire et dénaturée. — Tu fus toujours un sauvage oiseau de mer, Roger, comme l’indique ton nom, aimant mieux l’orage que le calme, l’Océan courroucé que le lac paisible, et de pénibles et fatigantes luttes contre le vent qu’une nourriture, un repos, une tranquillité de tous les jours. — Bah ! la colique à votre lac paisible et à votre vieille femme qui va me nourrir avec des grains de brasseur ! voilà le pauvre canard obligé d’accourir en se dandinant, au premier coup de son sifflet ! Éverard, j’aime à sentir le vent battre contre mes ailes… tantôt plongeant, tantôt au sommet de la vague, tantôt au fond de l’Océan, tantôt près des cieux… c’est la joie du canard sauvage, mon grave ami ! et dans la guerre civile, ç’a été notre sort… bas dans un comté, haut dans un autre, battus aujourd’hui, victorieux demain… tantôt crevant de faim chez un pauvre partisan… tantôt faisant bombance dans la demeure d’un presbytérien… ayant à nos ordres ses caves, sa vaisselle, son vieux anneau de juge, et sa jolie servante ! — Chut ! l’ami, dit Éverard ; souviens-toi que je partage ces croyances. — Tant pis, Mark, tant pis ! mais, comme vous dites, il est inutile d’en parler. Hâtons-nous de descendre et d’aller voir comment votre pasteur presbytérien, M. Holdenough, se porte, et s’il a mieux réussi que vous, son disciple et son paroissien, à châtier le malin esprit. »

Ils sortirent donc de leur chambre, et furent bientôt accablés par les nombreux et singuliers récits des sentinelles, de tout le monde enfin, car tous ils avaient vu ou entendu quelque chose dans le cours de la nuit. Je ne crois pas devoir rapporter en détail les différentes histoires que chacun mit à la masse commune avec d’autant plus d’ardeur qu’en pareille occasion il semble toujours y avoir une espèce de déshonneur à voir ou à souffrir moins que les autres.

Les plus modérés des narrateurs parlaient seulement des sons semblables au miaulement d’un chat ou au glapissement d’un chien, surtout au grognement d’un cochon. Il leur semblait aussi avoir entendu enfoncer des clous, crier des scies, remuer des chaînes, un bruit de robes de soie… puis des notes de musique, bref, toutes sortes de sons différents. Il y en eut qui juraient avoir senti différentes odeurs, surtout celle du bitume, indiquant une émanation satanique ; d’autres ne juraient pas, il est vrai, mais protes-