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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/231

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Honneur ne sera pas ravi de le voir, car c’est le même homme qui l’autre nuit… »

Il s’arrêta.

« Envoya ma rapière en l’air, veux-tu dire ? Mais quand m’est-il arrivé d’en vouloir à un homme parce qu’il a combattu contre moi ?… Tout Tête-ronde qu’il est, l’ami, je l’en aime d’autant mieux, non, d’autant moins. J’ai une envie démesurée de dégainer encore avec lui. J’ai réfléchi plus d’une fois à la botte d’hier, et je crois que si nous recommencions, je trouverais la passe qui la parerait… Qu’il vienne sur-le-champ. »

Fidèle Tomkins fut alors introduit ; il entra avec une gravité de fer, que ni les terreurs de la nuit précédente, ni l’extérieur plein de dignité du noble personnage en présence duquel il se trouvait, ne furent capables de troubler un seul instant.

« Comment donc ça va-t-il, mon digne adversaire ? lui demanda sir Henri. Je voudrais bien connaître un peu mieux ta botte qui m’a désarmé l’autre soir… Mais, vraiment, je pense que le jour était trop faible pour mes vieux yeux… Prends un fleuret, l’ami… Je me promène ici dans ce vestibule, comme dit Hamlet ; et c’est l’instant du jour où je respire…. Voyons, fleuret en main ! — Puisque Votre Seigneurie le désire, répondit le maître d’hôtel laissant tomber son manteau et recevant le fleuret, « hé bien, soit. — Allons, si le cœur vous en dit, je suis prêt, » lui dit le chevalier ; « il me semble que, depuis que je marche sur ces vieilles dalles, la goutte qui me menaçait s’est dissipée. Ça… ça… je me tiens aussi ferme qu’un coq de combat. »

Ils commencèrent alors un assaut des plus vifs ; et soit que réellement le vieux chevalier combattît avec plus de sang-froid avec une lame boutonnée qu’avec une épée pointue, soit que le digne maître d’hôtel lui donnât quelque avantage dans ce duel pour rire, toujours est-il vrai que ce fut sir Henri qui en sortit à son honneur. Sa victoire le mit d’excellente humeur.

« Ah, ah ! dit-il, j’ai trouvé votre ruse… Allons, vous ne me joueriez pas deux fois le même tour… C’était une feinte très palpable… Certes, si j’avais vu assez clair l’autre nuit… Mais autant vaut n’en plus parler… Je ne veux pas imiter nos imprudents Cavaliers, qui à force de vous battre, vous Têtes-rondes, vous ont appris à nous battre aussi, à votre tour. Mais, dites-moi, pourquoi laissez-vous votre garde-manger si bien garni ? Croyez-vous que moi ou ma famille allons manger des mets déjà entamés ? .. Quoi ! n’avez-