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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/280

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tandis que de l’autre il possède une vue forte, pénétrante et subtile, quel que soit l’objet qu’il examine. — Mais nous appliquerons un emplâtre sur le bon œil, dit le docteur, et il ne pourra plus voir que de celui qui est imparfait. Vous devez savoir que ce drôle a toujours vu les plus nombreuses et les plus hideuses apparitions ; il n’a pas le courage d’un chat en pareille occasion, tout vaillant qu’il est contre des antagonistes humains. Je l’ai recommandé aux bons soins de Jocelin Joliffe, qui, en le faisant beaucoup boire, et en lui racontant des histoires de revenants, le rendrait incapable de savoir ce qui s’est passé, quand même vous proclameriez le roi en sa présence. — Mais enfin pourquoi garder un tel garnement ici ? — Allons, monsieur, calmez-vous : c’est un assiégeant, c’est une espèce d’émissaire que nous avons deviné ; et nous n’avons à craindre aucune visite tant que ses dignes maîtres se procureront des nouvelles de Woodstock par Fidèle Tomkins. — La fidélité de Jocelin m’est bien connue, dit Albert, et s’il peut m’assurer qu’il veillera sur le drôle, je ne serai nullement inquiet. Il ne connaît pas la valeur de l’enjeu, il est vrai, mais dès qu’il sait qu’il y va de ma vie, c’en est assez pour le rendre vigilant. Eh bien donc, je continue… et si Markham Éverard nous arrivait ?… — Nous avons sa parole du contraire, répondit Rochecliffe. Sa parole d’honneur nous a été donnée par son ami… Le croyez-vous assez vil pour la violer ? — Il en est incapable, et de plus, je crois que Markham n’abuserait pas de ce qu’il pourrait apprendre. Pourtant, Dieu fasse que, dans une affaire d’une si grande importance, nous ne soyons pas obligés de nous fier à qui que ce soit qui ait jamais porté les couleurs du parlement. — Amen ! dit le docteur. Vos inquiétudes sont-elles calmées à présent ? — J’ai encore une objection à vous faire à propos de cet impudent, de ce débauché, qui veut se faire passer pour Cavalier, qui s’est introduit hier soir dans votre compagnie, et a gagné le cœur de mon père par une anecdote du siège de Brentfort, que le coquin, j’ose le dire, n’a jamais vu. — Vous le connaissez mal, cher Albert… Roger Wildrake, quoique je ne le connaisse que depuis peu, est gentilhomme, a étudié le droit, et dépensé sa fortune au service du roi. — Dites plutôt au service du diable, répliqua Albert : ce sont des drôles comme lui qui, après avoir introduit la licence dans l’armée, sont tombés dans la fainéantise et la débauche, infestent le pays par leurs excès et leurs brigandages, et braillent à minuit dans les cabarets borgnes et dans les obscures tavernes, et qui, avec leurs