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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/310

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une dévote prière, pour que cette aventure qui commençait si mal n’eût d’autre cause que la jalousie de quelque admirateur d’Alice Lee, se promettant à lui-même que, tout passionné qu’il fût pour le beau sexe, il ne se ferait pas scrupule de renoncer à la plus belle des filles d’Ève, pour échapper au péril dont il était menacé en ce moment.

« Monsieur, dit Éverard, vous paraissez être un gentilhomme ; je ne vois pas d’inconvénient à vous dire, en cette même qualité, que j’appartiens comme vous à cette classe. — Peut-être même à une autre plus élevée, dit Kerneguy : gentilhomme est un nom qui s’applique à tous ceux qui ont droit de porter des armoiries… un duc, un lord, un prince n’est qu’un gentilhomme ; et s’il est dans l’infortune, comme moi en ce moment, il peut être satisfait qu’on lui accorde ce titre honorable. — Monsieur, répliqua Éverard, je ne prétends pas vous réduire à quelque aveu qui nuirait à votre sûreté. Je ne me crois pas obligé d’arrêter moi-même un simple particulier qu’un sentiment erroné de ses devoirs envers la patrie peut avoir entraîné dans des fautes qui doivent exciter la pitié plutôt que le ressentiment des hommes honnêtes ; mais si ceux qui ont introduit la guerre civile et les désordres dans leur pays natal travaillent à porter le déshonneur et la dégradation dans le sein des familles, s’ils tentent, par le seul sentiment de la débauche, de souiller la maison hospitalière qui les met à l’abri du châtiment réservé à leurs crimes publics, pensez-vous, milord, que nous puissions avoir la patience de les laisser faire. — Si vous avez l’intention de me chercher querelle, répliqua le prince, dites-le franchement comme il convient à un gentilhomme ; vous avez l’avantage des armes sans aucun doute, mais ce n’est pas là ce qui me fera reculer devant un seul homme. Si, au contraire, vous êtes disposé à entendre la raison, je vous dis avec calme que je ne comprends pas de quelle injure vous voulez parler, et pourquoi vous me donnez le titre de milord. — Vous niez donc que vous êtes lord Wilmot ? — Je puis le faire en toute assurance. — Peut-être préférez-vous qu’on vous honore du nom de comte de Rochester ? J’ai entendu dire que votre ambition aspirait à obtenir du roi d’Écosse des lettres-patentes qui vous conférassent ce titre. — Je ne suis ni lord ni comte, aussi vrai que j’ai une âme chrétienne à sauver. Mon nom est… — Ne vous dégradez pas vous-même par un mensonge inutile, milord, et surtout envers un homme seul, qui, je vous le garantis, n’appellera pas la vindicte publique au secours de son épée, si toutefois il