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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/330

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Un chimérique espoir, un âcre souvenir,
Le profit qui décroît, le besoin qui s’augmente,
Le sot orgueil d’un maître appesanti sur moi,
Se riant de mes maux que lui-même alimente ?
Une heure auprès de toi.


« Vraiment il y a encore un couplet, dit le chanteur, mais je ne vous le chanterai pas, parce que quelques prudes de la cour ne l’aiment pas. — Grand merci, maître Louis ; d’abord pour votre délicatesse à chanter ce qui m’a fait plaisir, ensuite pour avoir omis ce qui pouvait me choquer. Quoique fille de campagne, je prétends n’être pas assez étrangère aux modes de la cour pour rien recevoir qui n’y soit pas monnaie courante parmi les classes les plus distinguées. — Je voudrais, répliqua Louis, que vous fussiez affermie dans cette croyance au point de recevoir toute monnaie qui aurait cours près de ces dames. — Et quelle en serait la conséquence ? » demanda Alice avec le plus grand calme.

« En ce cas, » répondit Louis embarrassé comme un général qui trouve que ses préparatifs d’attaque ne semblent jeter ni crainte ni confusion parmi les ennemis ; « en ce cas, vous me pardonnerez, belle Alice, si je vous parle un langage plus tendre que celui de la simple galanterie, si j’ose vous dire combien mon cœur est intéressé à ce que vous considérez comme une simple plaisanterie, et si j’avoue sérieusement qu’il est en votre pouvoir de me rendre le plus heureux ou le plus malheureux des mortels. — Maître Kerneguy, » dit Alice toujours avec la même indifférence, « tâchons de nous comprendre. Je suis peu habituée aux grandes manières, et je ne voudrais pas, je vous le dis nettement, passer pour une sotte fille de village qui, par ignorance ou affectation, tressaille au moindre mot galant que lui adresse un jeune homme qui, pour le moment, n’a rien de mieux à faire que de fabriquer et mettre en circulation de ces faux compliments. Mais je ne dois pas laisser cette crainte de paraître simple, gauche et timide, m’entraîner trop loin, et, ne connaissant pas les limites exactes, j’aurai soin de me tenir en deçà. — J’espère, mademoiselle, que tout sévèrement que vous soyez disposée à me juger, votre justice ne me punira point avec trop de rigueur d’une faute dont vos charmes ont seuls été l’occasion. — Écoutez-moi, monsieur, s’il vous plaît ; je vous ai écouté tant que vous me parliez en berger ; même ma complaisance a été si grande que je vous ai répondu en berger ; car je ne pense pas qu’il puisse résulter autre chose que du ridicule, des dialogues entre Lindor et