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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/350

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tomne ; car c’était la saison où la nature, comme un prodigue dont la fortune est presque dissipée, semble jalouse de répandre à profusion la gaîté et la diversité des couleurs, pour le temps bien court que sa splendeur doit encore durer. Les oiseaux ne se faisaient plus entendre… et le rouge-gorge lui-même, dont le gazouillement retentissait d’ordinaire dans les taillis qui entouraient la Loge, enhardi par les largesses dont le bon vieux chevalier encourageait toujours sa familiarité, ne se hasardait plus dans l’intérieur du bois, alarmé par le voisinage de l’épervier et d’autres ennemis de ce même genre, préférant vivre aux environs des habitations de l’homme, où, presque seul des tribus ailées, il semble recevoir une protection désintéressée.

Telle était donc cette scène, à la fois ravissante et silencieuse, quand le bon docteur Rochecliffe, enveloppé d’une roquelaure écarlate qui le couvrait depuis long-temps, se cachant le visage plutôt par habitude que par nécessité, et donnant le bras à Alice, qui se garantissait aussi par un manteau du froid et du brouillard d’une matinée d’automne, se dirigea vers l’endroit marqué pour le duel, à travers les hautes et épaisses herbes des plus sombres allées, qui étaient encore couvertes de rosée. Tous deux étaient si attentifs à la consultation qui les occupait, qu’ils semblaient ne pas s’apercevoir des difficultés et des désagréments de la route, quoiqu’il leur fallût souvent se frayer un passage à travers le taillis et les buissons, qui versaient alors sur eux leurs perles liquides et rendaient leurs vêtements beaucoup plus lourds. Ils s’arrêtèrent quand ils eurent trouvé un endroit convenable sous le taillis, d’où, cachés par les branches, ils pourraient voir tout ce qui se passerait sur la petite esplanade, devant le chêne du Roi, que son tronc large et cicatrisé, ses branches tordues et mutilées, et son sommet sourcilleux, faisaient ressembler à quelque vieux champion de guerre, fort bien choisi pour être l’arbitre d’un combat singulier.

Le premier individu qui arriva au rendez-vous fut le gai Cavalier Roger Wildrake ; il était aussi enveloppé dans son manteau ; mais il avait remplacé son castor puritain par un chapeau espagnol avec plumet et cordon d’or, qui paraissait servir depuis longtemps. Mais, pour compenser cette apparence de misère, il avait mis son chapeau d’une manière diablement résolue, pour me servir de l’expression profane des plus désespérés Cavaliers ; il marchait fort vite, et criait tout haut : « Le premier sur le champ de bataille après tout, par Jupiter ! quoique j’aie laissé partir Éverard