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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/377

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voulez bien. J’écouterai toutes les aimables choses que vous avez à me dire chemin faisant, car sir Henri demande son verre d’eau tous les soirs avant la prière… — Quoi ! le vieillard aux mains sanglantes et au cœur pervers t’a-t-il envoyée ici pour y travailler comme une esclave ! Tu l’en retourneras affranchie, et l’eau que tu as puisée pour lui sera répandue ainsi que David l’ordonna pour l’eau du puits de Bethléem. »

En même temps il vida la cruche en dépit des cris et des supplications de Phœbé ; et la replaçant ensuite sous le petit tuyau, il continua :

« Sache que ceci sera un signe pour toi. L’eau qui remplit cette cruche sera comme le sable qui passe à travers le sablier. Si pendant qu’elle va s’emplir tu écoutes les paroles que je te dirai, alors tu t’en trouveras bien, et tu pourras prendre place parmi ceux qui, dédaignant l’instruction qui n’est bonne qu’à allaiter les enfants à la mamelle, mangeait la nourriture dont se nourrissent les forts ; mais si l’eau déborde la cruche avant que ton oreille ne m’entende et ne me comprenne, tu seras livrée comme une esclave à ceux qui possèdent les richesses et les trésors de la terre. — Vous m’effrayez, maître Tomkins, je suis sûre que vous n’en avez pas l’intention. Je m’étonne que vous osiez prononcer des paroles qui aient autant de ressemblance avec celles de la Bible, quand vous savez combien vous avez ri de votre maître et de tous ceux qui la citent lorsque vous avez aidé à faire paraître des fantômes à la Loge. — Penses-tu donc, pauvre innocente, qu’en me moquant d’Harrison et des autres, j’excédais mes privilèges ?… Non, vraiment !… Écoute-moi, fille insensée. Quand autrefois je vivais comme le mécréant le plus effréné et le plus libertin de l’Oxfordshire, fréquentant les veillées et les foires, dansant autour des mais, déployant ma vigueur à la paume et au jeu du bâton… oui, quand j’étais appelé dans le langage des incirconcis, Philippe Hazeldine, et que j’étais un des chantres du chœur, un des sonneurs de cloche ; que je servais ce prêtre nommé Rochecliffe, je n’étais pas plus éloigné du droit chemin que quand, après de longues études, je trouve enfin un guide aveugle. Je les ai tous abandonnés l’un après l’autre ; ce pauvre fou d’Harrison a été le dernier. Soutenu de ma seule force et sans autre appui, je me suis ouvert un passage vers cette lumière céleste dont toi aussi, Phœbé, tu jouiras. — Je vous remercie maître Tomkins, » répliqua Phœbé déguisant sa crainte sous un air d’indifférence. « J’aurai assez de lumière pour porter ma cruche