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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/418

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abondantes libations de la soirée précédente. Il avait surtout représenté qu’il y avait dans cet édifice antique une foule d’issues et de poternes dont il faudrait s’assurer très soigneusement, avant que les habitants eussent le temps de connaître la surprise, qu’autrement le succès de toute l’expédition serait compromis. Il avait eu conséquence engagé Cromwell à l’attendre à Woodstock, dans le cas où il ne l’y trouverait pas en arrivant ; il l’avait assuré que les marches et contremarches des soldats étaient si fréquentes à cette époque que, quand bien même on apprendrait à la Loge l’arrivée à Woodstock d’un nouveau détachement, un événement si ordinaire ne produirait pas le moindre effet. Il avait insisté pour que les soldats choisis pour cette entreprise fussent des hommes sur qui on pût compter, et non pas de ces esprits faibles, de ceux qui fuient le mont Gilead, de crainte des Amalécites, mais des hommes de guerre accoutumés à frapper juste, et à n’avoir pas besoin de donner un second coup. En dernier lieu, il avait ajouté qu’il serait sage que le général confiât le commandement du détachement à Pearson ou à un autre officier digne de toute sa confiance, et que, s’il jugeait convenable de commander lui-même l’expédition, il n’en instruisît pas ses soldats.

Cromwell s’était ponctuellement conformé à tous ces conseils. Il avait marché à la tête de ce détachement, composé de cent soldats armés de hallebardes et choisis par lui. C’étaient des hommes d’un courage à toute épreuve, qui avaient passé leur vie au milieu des périls, qui ne connaissaient ni l’hésitation, ni la compassion, suite inévitable du fanatisme sombre et exalté qui était le principal mobile de leurs actions ; des hommes qui, regardant Cromwell comme un général et comme un chef élu du ciel, obéissaient à ses ordres comme à des injonctions émanées d’en haut.

Cromwell fut cruellement contrarié de ne pas trouver, comme il s’y attendait, l’agent auquel il s’était aveuglément confié dans cette affaire ; il formait mille conjectures pour s’expliquer une conduite aussi étrange ; il pensait qu’il s’était enivré, ce qui du reste lui arrivait quelquefois ; et quand il s’arrêtait à cette opinion, il exhalait sa colère en malédictions qui, quoique différentes des jurons et des imprécations des Cavaliers, n’étaient pas moins blasphématoires, et exprimaient encore plus de colère et de méchanceté. D’autres fois il supposait que quelque alarme inattendue ou quelque partie de débauche parmi les Cavaliers ivrognes avaient empêché les habitants de Woodstock de se coucher aussitôt que de coutume. Cette