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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/465

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précieux trésor qui fût sur la terre. Mais les traits d’Éverard, mêlés pourtant à un sentiment de surprise, exprimaient la joie et l’espérance au delà même de ce que sir Henri attendait. Quand il leva les yeux avec inquiétude et timidité vers le vieux chevalier, celui-ci, le sourire sur les lèvres, lui dit : « Quand il ne resterait plus au roi d’autres sujets en Angleterre, il pourrait disposer à son gré de tous les membres de la famille Lee ; mais peut-être la maison Éverard n’a-t-elle pas été assez dévouée à la couronne dans ces derniers temps pour se soumettre à l’invitation de marier son héritier à la fille d’un mendiant. — La fille de sir Henri Lee, » répondit Éverard se jetant aux genoux de son oncle, et baisant de force sa main, « ferait honneur à la maison d’un duc. — La jeune fille est assez bien, » répondit le vieux chevalier avec satisfaction ; « et quant à moi, ma pauvreté ne sera ni une honte ni un embarras pour mes amis. J’ai quelque argent, grâce à la générosité du docteur Rochecliffe, et je me retirerai avec Jocelin dans quelque coin. — Mon cher oncle ! vous êtes plus riche que vous ne croyez ; la portion de vos domaines qui a été rachetée par mon père, moyennant une très faible somme, vous appartient toujours ; elle est administrée en votre nom par des fidéicommissaires, desquels je fais partie moi-même. Vous êtes seulement notre débiteur de la somme que nous avons avancée, et pour laquelle nous compterons avec vous, si cela vous fait plaisir, comme de véritables usuriers. Mon père est incapable de s’enrichir en rachetant pour lui-même les domaines d’un ami dans le malheur. Je vous aurais annoncé cette nouvelle depuis long-temps, mais vous ne l’avez pas voulu. Je veux dire que les circonstances rendirent impossible une explication. Je veux dire… — Tu veux dire que j’étais trop emporté pour entendre raison, Mark, et je crois que c’est la vérité. Mais je vois que nous nous entendons maintenant. Demain je me rendrai, avec ma fille et ce qui me reste de domestiques, à Kingston, où j’ai une vieille maison que je puis encore regarder comme à moi ; viens nous y rejoindre quand tu le voudras, Markham, en toute diligence, si cela te plaît ; mais viens-y avec le consentement de ton père. — Avec mon père lui-même, si vous voulez le permettre. — Soit ! comme lui et toi le voudrez. Je ne crois pas que Jocelin te ferme la porte au nez, ou que Bévis gronde après toi, comme après Louis Kerneguy. Allons, voilà assez de transports pour ce soir : bonne nuit. Mark ; si tu es remis de ta fatigue, et que tu veuilles venir ici demain matin à dix heures, nous pourrons voyager ensemble sur la route de Kingston. »