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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/80

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Jetez-les, jetez-les au feu !

« Oh ! oh ! s’écria Markham, qui va là ? et pour qui êtes-vous ? — Pour l’Église et le roi, » répondit une voix qui se hâta d’ajouter : « Non, que le diable m’emporte !… je voulais dire contre l’Église et le roi, et pour ceux qui triomphent, j’ai oublié leurs noms. — C’est Roger Wildrake, il me semble ? — Lui-même… propriétaire à Squattlesamere, dans le comté humide de Lincoln. — Wildrake, dit Markham Wildgoose vous conviendrait mieux[1]. Il faut que vous ayez bu avec intention pour entonner un air si convenable aux circonstances, à coup sûr ! — Ma foi, l’air est assez joli, seulement un peu passé de mode… malheureusement. — À quoi pouvais-je m’attendre, dit Éverard, sinon à rencontrer quelque extravagant, quelque Cavalier ivre, aussi colère et aussi dangereux que la nuit et l’eau-de-vie les rendent d’ordinaire ? Hem ! si j’avais récompensé votre mélodie d’une balle dans le gosier ? — Ma foi ! c’eût été un flûteur de payé… voilà tout, répondit Wildrake Mais où allez-vous donc comme cela ?… j’allais vous chercher à la hutte. — J’ai été obligé d’en sortir… je vous en dirai la raison plus tard, répliqua Éverard. — Quoi ! le vieux Cavalier chasseur était-il bourru, ou Chloé de mauvaise humeur ? — Pas de plaisanterie, Wildrake… tout est perdu pour moi ! — Quoi ! serait-ce possible ? et vous prenez la chose si tranquillement !… Zest ! retournons-y ensemble… Je plaiderai votre cause. Je sais comment prendre un vieux chevalier et uue jolie fille… abandonnez-moi le soin de vous remettre reclus in curia, drôle d’hypocrite… Diable m’enlève, sir Henri Lee, lui dirai-je, votre neveu est un petit puritain… je n’en disconviens pas… mais malgré tout, je le tiens pour un honnête garçon, pour un bon drôle… Et vous, mademoiselle, vous pouvez sans doute trouver que votre cousin a l’air d’un tisserand, chanteur de psaumes, avec ce vilain chapeau de feutre et ce manteau drapé en coquin ; avec cette cravate qu’on prendrait pour une barrette d’enfant, et ces grosses bottes pour chacune desquelles on a employé la moitié d’un cuir de veau… mais mettez lui un castor sur le coin de l’oreille, avec un plumet convenable à sa qualité ; attachez-lui au côté une bonne lame de To-

  1. Wild, sauvage ; rake, libertin ou extravagant : Wildrake signifierait donc un franc débauché.
    Quand à wildgoose, mot composé aussi de wild, sauvage et de goose, oie, ce qui revient à oie sauvage ou franc animal, cette expression est ici opposée malicieusement à wildrake, mauvais garnement, ou plutôt à wild drake, qui veut dire canard sauvage. Ces jeux de mots n’ont aucun sel pour un Français. a. m.