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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/91

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j’allège le poids de mes chagrins personnels. Divine Providence ! comment tout cela finira-t-il ? Nous avons sacrifié la paix de nos familles, les plus tendres espérances de nos jeunes cœurs pour affranchir notre pays natal et l’arracher à l’oppression : pourtant, il semble que chaque nouveau pas que nous faisons vers la liberté, nous découvre des périls nouveaux et plus terribles, comme le voyageur qui, gravissant une montagne élevée, se trouve, à chaque pas qui le rapproche davantage du sommet, exposé à un danger plus imminent. »

Il lut long temps et attentivement différentes lettres ennuyeuses et embrouillées, où ses correspondants, tout en plaçant devant lui la gloire de Dieu, les franchises et les libertés de l’Angleterre comme leur unique but, ne pouvaient déguiser à l’œil pénétrant de Markham Éverard, malgré toutes les circonlocutions qu’ils s’efforçaient d’employer, que l’égoïsme et des vues d’ambition étaient les principaux mobiles de leurs intrigues.


CHAPITRE VI.

CORRESPONDANCE.


Le sommeil nous surprend presque comme sa sœur la mort. Nous ne savons pas quand il vient… nous gavons qu’il doit venir… Nous pouvons affecter pour lui mépris et dédain ; car le plus grand orgueil de l’humaine misère est de dire qu’elle ne connaît pas de consolation : pourtant le père qui voit mourir un fils, l’amant désespéré, le pauvre condamné même qui attend son exécution sent ce doux oubli, contre lequel il croyait que son malheur avait armé ses sens, s’emparer de lui ; et malgré sa résistance, l’esprit est toujours forcé de céder au corps.
Herbert.


Le colonel Éverard éprouva combien sont vrais les jolis vers du vieux poète que nous venons de citer. Au milieu des chagrins privés et des inquiétudes que faisait naître un pays en proie à la guerre civile, et qui ne semblait devoir prendre de sitôt une forme de gouvernement solide et bien établie, Éverard et son père avaient, comme bien d’autres, jeté les yeux sur le général Cromwell, comme sur l’homme que sa valeur avait rendu l’idole de l’armée, dont la vaste sagacité l’avait emporté jusqu’alors sur les hauts talents qui lui étaient opposés dans le parlement, aussi bien que sur ses ennemis, et qui était seul capable d’arranger les affaires,