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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/138

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Flatté de l’intérêt qu’une si aimable créature semblait prendre à mon destin, mais contrarié du ridicule qu’il y avait à amener avec moi pour avocat une jeune fille de dix-huit ans, et sérieusement inquiet de la fâcheuse interprétation qu’on pouvait donner à sa conduite, je fis tout mon possible pour la dissuader de me suivre chez le juge Inglewood. Ma volontaire cousine me déclara net que mes efforts étaient peine perdue ; qu’elle était une véritable Vernon ; qu’ainsi, aucune considération, pas même celle de ne pouvoir lui être que d’un faible secours, ne la déterminerait à abandonner un ami malheureux ; que toutes mes raisons, bonnes sans doute pour des demoiselles bien prudentes, bien élevées, sortant de leur pensionnat, n’avaient aucun poids sur elle, habituée qu’elle était à ne faire jamais d’autre volonté que la sienne. »

Cependant nous approchions toujours du château, et miss Vernon, sans doute pour mettre fin à mes remontrances, me fit un portrait grotesque du magistrat Inglewood et de son clerc. Inglewood était, à l’en croire, un jacobite blanchi, c’est-à-dire un homme qui, après avoir long-temps refusé serment au gouvernement comme la plupart des gentilshommes du comté, s’y était enfin résigné afin de pouvoir être nommé juge de paix. « Il l’a fait, me dit-elle, pour se rendre aux vives instances de tous les seigneurs ses voisins, qui voyaient avec regret que le palladium des amusements champêtres, les lois sur la chasse, tombaient en désuétude, faute d’un magistrat pour les faire exécuter, le tribunal de justice le plus voisin étant celui du maire de Newcastle, qui, préférant au gibier vivant le gibier convenablement accommodé, favorisait le braconnier au détriment du chasseur. Voyant donc qu’il était urgent que l’un d’eux sacrifiât ses scrupules de fidélité jacobite au bien de la communauté, les gentilshommes campagnards du Northumberland jetèrent les yeux sur M. Inglewood, dont les opinions et le caractère peu prononcés devaient, pensaient-ils, se plier aisément à toute croyance politique. Après s’être procuré le corps du tribunal, il fallut s’occuper de lui donner une âme qui, sous le nom de clerc, dirigeât les mouvements de la machine. Leur choix tomba sur un malin procureur de Newcastle, appelé Jobson, qui, pour varier ma métaphore, trouve que c’est un assez bon métier que de débiter la justice à l’enseigne de M. Inglewood. Et comme ses émoluments dépendent de la quantité d’affaires qui lui arrivent, il a soin que la salle