Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ceint de l’épée avec le pistolet,
De Kensington à Brendfort, doux rivage,
Arrêtait six passants et même davantage.

Ils buvaient leur pinte de vin
Quand cet audacieux coquin :
« Chiens, leur dit-il, votre bourse ou la vie ! »
Chacun lui donnant tout, la farce était finie.


Je ne sais si les honnêtes gens dont le malheur est raconté dans cette pathétique chanson furent plus épouvantés de l’apparition du terrible voleur, que le chanteur le fut à la mienne ; car, ennuyé d’attendre un domestique pour m’annoncer, et trouvant ma situation d’auditeur un peu embarrassante, je me présentai à la compagnie au moment où M. Morris (car tel était son nom, à ce qu’il paraît) commençait le quatrième couplet de sa plaintive ballade. La note élevée par laquelle l’air commençait s’éteignit dans un sourd murmure de consternation, quand il se vit face à face avec une personne qui ne lui semblait guère moins suspecte que le héros de sa complainte ; et il resta la bouche béante, comme si je lui avais présenté la tête de Méduse.

Le juge, dont les yeux s’étaient fermés par l’influence somnifère de la chanson, fit un bond sur sa chaise, occasionné par sa cessation subite, et demeura ébahi à la vue du nouveau convive qui avait augmenté la compagnie durant son extase. Le clerc, que sa tournure me fit aisément reconnaître, n’était pas moins troublé ; car assis en face de M. Morris, la terreur de cet honnête homme l’avait gagné, quoiqu’il n’en connût pas le motif.

Je rompis le silence de stupéfaction que ma presque apparition avait occasionné. « Mon nom, monsieur Inglewood, est Francis Osbaldislone ; j’ai appris qu’un mauvais drôle avait porté plainte devant vous, m’accusant de complicité dans un vol dont il se plaint.

— Monsieur, dit le juge avec humeur, ce sont des affaires dont je ne m’occupe jamais à table ; il y a temps pour tout, et un juge de paix dîne tout comme un autre. »

Pour le dire en passant, la ronde personne de M. Inglewood ne paraissait pas avoir beaucoup souffert des jeûnes que lui imposaient ses fonctions civiles ou ses croyances religieuses.

« Je vous prie de m’excuser, monsieur, si je vous importune ;