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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/181

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bien que si je vous les décrivais avec la règle et le compas.

— Oh ! il y a quelque chose qui doit attirer l’attention… Que dites-vous de miss Vernon ? n’est-ce pas un objet intéressant dans ce paysage où tout est aussi rude que les bords d’une île de glace ? »

Je m’aperçus aisément que Rashleigh n’était pas charmé de répondre à cette question inattendue ; mais la franchise que je lui avais montrée me donnait le droit de l’interroger à mon tour. Il le sentit, et se vit forcé de me suivre sur le terrain où je l’amenais, quelque peine qu’il éprouvât à y marcher d’un pas ferme : « Je vois moins miss Vernon, dit-il, que je ne le faisais autrefois. Lorsqu’elle était jeune, j’étais son maître ; mais quand elle fut plus avancée en âge, mes nouvelles occupations, la gravité de la profession que je devais embrasser, la nature particulière de ses engagements, en un mot notre position mutuelle, rendaient une étroite intimité aussi inconvenante que dangereuse. Miss Vernon, je crois, aura vu dans ma réserve de l’indifférence, cependant c’était mon devoir ; je fus aussi affligé qu’elle-même, mais il fallut écouter la prudence. En effet quelle sûreté y avait-il à vivre dans l’intimité avec une jeune personne belle et sensible, qui doit, vous le savez, entrer dans un cloître, ou épouser celui qui lui est fiancé.

— Le cloître ou l’époux qui lui est destiné ! répétai-je ; est-ce une alternative imposée à miss Vernon ?

— Oui, dit Rashleigh en poussant un soupir. Il n’est pas besoin, je pense, de vous prémunir contre le danger de lier une amitié trop intime avec miss Vernon ; vous êtes homme du monde, et vous savez jusqu’à quel point vous pouvez vous laisser aller au charme de sa société sans danger pour vous et sans manquer aux égards que vous lui devez. Mais je vous avertis qu’à cause de son naturel ardent, il vous faut veiller sur elle autant que sur vous-même ; car l’exemple d’hier doit vous faire voir quelle est son irréflexion et son oubli des convenances. »

Il y avait sans doute quelque chose de vrai et de sensé dans tout cela ; il me donnait une espèce d’avis amical, et je n’avais aucun droit de m’en fâcher ; cependant à mesure qu’il parlait, je sentais que j’aurais eu du plaisir à me battre avec lui.

L’impertinent ! parler avec cette insolence ! me disais-je à moi-même. Voudrait-il me faire croire que miss Vernon a conçu de l’amour pour son horrible figure, et s’est dégradée au point que la réserve fût nécessaire pour la guérir de son imprudente pas-