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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/195

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demande aussi formelle, qu’il était de mon devoir de mettre de côté tout scrupule de délicatesse, et je lui exposai brièvement mais clairement ce que Rashleigh m’avait dit.

Elle s’assit et reprit un air calme, dès que je commençai, et quand je m’arrêtais afin de chercher quelque tour délicat pour adoucir ce que j’avais à dire, elle s’écriait : « Continuez, je vous prie, continuez : le premier mot qui s’offre à vous est le plus simple et le meilleur. Ne songez pas à ce que je puis éprouver ; parlez comme vous feriez à une personne indifférente. »

Pressé si vivement, je lui exposai tout ce que m’avait dit Rashleigh de cet ancien contrat qui l’obligeait d’épouser un Osbaldistone, et de l’embarras qu’elle éprouvait à choisir ; j’aurais voulu n’en pas dire davantage ; mais elle découvrit promptement que ce n’était pas tout, et devina même à quoi se rapportait la suite.

« Bien ! le méchant Rashleigh devait vous raconter cette histoire. Je suis comme la pauvre fille du conte des fées, qui fut livrée dans son berceau à l’ours noir de Norvège, mais qui se plaignait surtout d’être appelée par ses compagnes la fiancée de Bruin. Mais outre cela, Rashleigh ne vous a-t-il pas dit quelque chose qui le touche personnellement ?

— Il m’a fait entendre que, sans sa répugnance à supplanter son frère, il désirerait que, d’après son changement de profession, le nom de Rashleigh remplît le blanc de la dispense, au lieu de celui de Thorncliff.

— Vraiment ! répondit-elle ; il a cette condescendance ? c’est trop d’honneur pour son humble servante Diana Vernon… Et elle, je le suppose, serait transportée de joie si cette substitution s’effectuait ?

— À parler avec franchise, il me l’a fait entendre ; il a même été plus loin…

— Qu’a-t-il dit ? ne me cachez rien, s’écria-t-elle avec feu.

— Qu’il avait rompu l’intimité qui existait entre vous et lui, de peur qu’elle ne fît naître une affection dont il ne lui serait pas permis de profiter, étant destiné à l’état ecclésiastique.

— Je lui suis bien obligée de sa prudence, » reprit miss Vernon dont tous les traits exprimaient le plus grand mépris. Elle s’arrêta un moment, puis ajouta avec son calme ordinaire : « Dans tout ce que vous m’avez dit, il n’y a rien qui me surprenne et à quoi je ne dusse m’attendre ; car, sauf une circonstance, tout est vrai. Mais comme il y a des poisons si violents que quelques gouttes