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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/265

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raient utiles pour tous les jours de sa vie. Mais non, monsieur, la raison est une chose qu’il ne peut pas souffrir… il est tout entier aux vanités et aux frivolités de ce monde… Ne m’a-t-il pas dit un jour (pauvre créature aveugle !) que les psaumes de David étaient d’excellente poésie, comme si le saint psalmiste avait songé à arranger des rimes ensemble, comme cet amas de mots absurdes qu’il appelle des vers ! Dieu lui fasse grâce ! Deux lignes de David Lindsay valent mieux que tout ce qu’il a jamais griffonné. »

Vous ne serez pas très-surpris qu’en écoutant ce tableau un peu chargé de mon caractère et de mes goûts, je méditasse de causer une surprise désagréable à M. Fairservice, en lui rompant les os à la première occasion honnête qui s’en présenterait ; son ami n’indiquait l’attention qu’il lui prêtait que par quelques exclamations telles que : « Ah, ah !… Vraiment ! » et d’autres de ce genre, chaque fois que M. Fairservice faisait une pause dans son discours ; cependant il lui fit à la fin une observation un peu plus longue, dont je ne pus recueillir le sens que d’après cette réplique de mon fidèle guide :

« Que je lui révèle ma façon de penser, dites-vous ? qui en serait le dindon, si ce n’est André ?… Vous ne savez donc pas que c’est un démon ? Il est comme le vieux sanglier de Giles Heathertap ; montrez-lui un chiffon, et vous allez le mettre en fureur… Vous me demandez pourquoi je reste avec lui, ma foi ! je ne le sais pas trop moi-même… Le fait est qu’avec tout cela ce garçon n’est pas méchant au fond, et il a besoin auprès de lui de quelqu’un d’honnête et de soigneux ; car il ne tient pas la main serrée, l’or coule à travers ses doigts comme de l’eau, voyez-vous, et il ne fait pas mauvais d’être à côté de lui quand il a la bourse à la main, et il l’a presque toujours ; ensuite il est d’une bonne famille ; et bien apparenté… et vraiment, monsieur Hammorgaw, j’ai de l’attachement pour ce pauvre garçon, tout écervelé qu’il est… D’ailleurs, il y a de bons gages. »

En achevant cette instructive communication, M. Fairservice baissa la voix, et prit un ton plus convenable à une conversation tenue dans un lieu public le dimanche soir ; bientôt son compagnon et lui s’éloignèrent de manière à ce que je ne pusse plus les entendre. Le premier ressentiment que j’avais éprouvé ne tarda pas à se dissiper par la conviction que celui qui écoute entend presque toujours des choses désagréables sur son compte (comme