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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/273

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Le mystérieux étranger coupa court aux extases de sa connaissance en lui parlant encore une fois dans une langue que j’appris plus tard être l’irlandais, l’erse ou le gaélique, lui expliquant probablement les services qu’il attendait de lui. « De tout son cœur, de toute son âme, » fut la réponse du porte-clefs, qui murmura encore un bon nombre de paroles dont le ton semblait également exprimer son empressement à acquiescer à ce que l’autre lui demandait. Il ranima sa lampe mourante, et me fit signe de le suivre.

« Est-ce que vous ne venez pas avec nous ? dis-je en regardant mon guide.

— C’est inutile ; ma présence pourrait vous gêner, et je ferai mieux de rester ici pour assurer notre retraite.

— Je ne puis supposer que vous vouliez m’entraîner dans aucun danger.

— Dans aucun que je ne partage avec vous et qui ne soit double pour moi, » répondit l’étranger d’un ton d’assurance qui ne pouvait me laisser aucun soupçon.

Je suivis le porte-clefs qui, laissant le guichet intérieur ouvert derrière lui, me conduisit par un escalier tournant, que les Écossais appellent tourniquet, dans une étroite galerie ; puis ouvrant une des nombreuses portes qui donnaient sur le passage, il me fit entrer dans un petit appartement, et jetant les yeux sur le mauvais grabat qui en occupait un coin, dit à demi-voix en plaçant la lampe sur une petite table de bois : « La pauvre créature dort. »

« La pauvre créature ! Grand Dieu, pensais-je, serait-ce Diana Vernon que je trouverais dans cet asile de misère ? »

Je jetai les yeux sur le lit, et ce fut avec un singulier mélange de déconvenue et de plaisir que je reconnus que mon premier soupçon m’avait trompé. Une tête qui n’était ni jeune ni belle, avec une barbe grisonnante qui n’avait pas été faite depuis deux jours, et couverte d’un bonnet de nuit écarlate, me tranquillisa, dès le premier regard, sur le compte de Diana Vernon ; et lorsque le dormeur, sortant d’un profond sommeil, baissa et ouvrit les yeux, je reconnus des traits bien différents… ceux de mon pauvre ami Owen. Me rappelant à propos que je n’étais qu’un intrus dans ce séjour de douleur, et que la moindre alarme pouvait être suivie de conséquences funestes, je me retirai un moment, afin de lui laisser le temps de se reconnaître.