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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/344

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libations. Une énorme mesure d’étain placée devant ces dignes personnages pouvait contenir environ quatre pintes d’Angleterre d’usquebaugh, liqueur presque aussi forte que l’eau-de-vie, que les montagnards distillent de la drèche, et dont ils boivent une quantité surprenante. Un verre cassé, monté sur un pied en bois, tenait lieu de coupe à toute la compagnie, et circulait avec une rapidité merveilleuse. Ces hommes causaient ensemble très-haut et avec vivacité, tantôt en gaélique, tantôt en anglais.

Un autre montagnard enveloppé dans son plaid était couché par terre, la tête posée sur une pierre couverte d’un peu de paille qui lui servait d’oreiller, et dormait ou faisait semblant de dormir, sans faire attention à ce qui se passait autour de lui. C’était probablement aussi un étranger, car il était en grand costume et accoutré du sabre et du bouclier, armes que les montagnards ont coutume de porter dans leurs voyages. Le long des murs on voyait des espèces de crèches, les unes formées de vieilles planches, les autres de mauvaises claies d’osier et de branches entrelacées, et c’était là que dormait toute la famille, hommes, femmes et enfants, cachés seulement par les épais tourbillons de fumée.

Nous avions fait si peu de bruit en entrant, et les buveurs que j’ai décrits étaient engagés dans une discussion si animée, que pendant une ou deux minutes ils ne nous aperçurent pas. Mais je remarquai que le montagnard couché près du feu se leva sur son coude quand nous entrâmes, et, tirant son plaid sur la partie inférieure de sa figure, nous regarda un instant, après quoi il reprit sa première attitude, et parut se livrer de nouveau au sommeil que notre entrée avait interrompu.

Nous nous approchâmes du feu, dont la vue nous était agréable après avoir voyagé au milieu des montagnes, par l’air froid et humide d’une soirée d’automne, et nous appelâmes l’hôtesse, ce qui attira sur nous l’attention de la compagnie. Elle parut, jeta des regards inquiets, tantôt sur nous, tantôt sur ses autres hôtes, et ce fut en hésitant et d’un air embarrassé qu’elle répondit à la demande que nous lui fîmes de nous apporter quelque chose à manger. « Elle ne croyait pas, elle n’était pas sûre qu’il y eût rien dans la maison qui fût digne de nous être présenté. »

Je l’assurai que nous étions très-indifférents sur la qualité du souper ; puis, cherchant des yeux les moyens de nous asseoir, ce qui n’était pas facile à trouver, je découvris une vieille cage à poulets dont je fis un siège pour M. Jarvie ; moi-même je m’assis