Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Où diable en voulez-vous venir ? Tout n’a-t-il pas été arrangé à votre satisfaction ? Faut-il donc que je vous entende parler de me quitter à tous moments, sans rime ni raison ?

— Oh ! mais jusqu’à présent je ne faisais que semblant ; mais l’envie m’en est venue maintenant tout de bon… Perte ou gain, je n’ose aller plus loin avec Votre Honneur, et si vous voulez suivre les conseils d’un pauvre homme, vous préférerez manquer à votre rendez-vous plutôt que de vous exposer davantage. J’ai pour vous une amitié sincère, et je suis sûr que vous ferez un jour honneur à votre famille, une fois que le premier feu de la jeunesse sera passé ; mais je ne puis vous suivre plus loin, quand même vous devriez périr en chemin faute de guide et de bons avis… Ce serait tenter la Providence que d’aller dans le pays de Rob-Roy.

— Rob-Roy ! « m’écriai-je avec surprise ; « je ne connais personne de ce nom. Quel est ce nouveau conte, André ?

— Il est dur, bien dur qu’un homme ne puisse venir à bout de se faire croire quand il a dit la pure et sainte vérité, uniquement parce qu’il lui est arrivé de temps en temps de se laisser aller à quelques petits mensonges quand la circonstance l’exigeait. Qu’avez-vous besoin de me demander qui est ce Rob-Roy, le bandit qu’il est ! quand vous avez une lettre de lui dans votre poche ? J’ai entendu un des gens de sa bande dire à cette vieille haridelle d’hôtesse de vous la remettre. Ils croyaient que je ne comprenais pas leur jargon ; mais quoique je ne parle guère, je sais entendre bien des choses. Je n’avais pas l’intention de vous en parler ; mais la peur fait souvent jaser plus qu’il ne faudrait peut-être. Oh ! monsieur Frank, toutes les manies de votre oncle, toutes les folies de vos cousins ne sont rien en comparaison de votre imprudence. Buvez à tomber sous la table, comme sir Hildebrand ; commencez la bienheureuse journée par vous remplir d’eau-de-vie, comme M. Percy ; faites le fanfaron, comme M. Thorncliff ; courez les filles, comme M. John ; soyez joueur, comme M. Richard ; gagnez des âmes au pape et au diable, comme M. Rashleigh ; jurez, blasphémez, n’observez pas le sabbat, et obéissez au pape, comme ils le font tous ; mais, au nom de la miséricorde divine, ayez pitié de votre jeune sang, et n’allez pas trouver ce Rob-Roy ! »

André exprimait ses alarmes d’une manière trop naturelle pour que je pusse les considérer comme une feinte. Je me contentai