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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/368

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tions les habits rouges, leur souhaitant malheur comme à tout ce qui a jamais parlé la langue saxonne. J’ai entendu des femmes anglaises et écossaises proférer des malédictions, cela n’a rien d’extraordinaire nulle part ; mais je n’ai jamais entendu de langues semblables à celles de ces chiennes de montagnardes, ni former des souhaits aussi affreux : elles disent qu’elles voudraient voir ces hommes égorgés comme des moutons ; se laver les mains jusqu’au coude dans leur sang ; les voir souffrir la mort de Walter Cuming de Guiyock[1] qui fut mis en pièces de telle sorte qu’il ne restait pas de son corps un morceau assez gros pour suffire au souper d’un chien et bien d’autres paroles qu’on est étonné d’entendre sortir d’un gosier humain. Je ne crois pas qu’elles puissent se perfectionner dans le talent de blasphémer et de maudire, à moins que le diable lui-même ne vienne leur donner des leçons. Et, ce qu’il y a de pire, elles nous ont dit de continuer à suivre le lac, et nous que verrons ce qui nous arrivera. »

En réunissant les explications d’André avec ce que j’avais remarqué moi-même, je ne pus douter qu’on ne méditât quelque attaque contre notre troupe. La route, à mesure que nous avancions, semblait offrir toute espèce de facilité à ce désagréable incident. D’abord, se détournant des bords du lac, elle nous conduisit à travers une prairie marécageuse, couverte de bois taillis parsemés çà et là de sombres et épais buissons propres à favoriser une embuscade. Tantôt il nous fallait traverser des torrents qui descendaient des montagnes et dont les eaux étaient si grosses et si rapides que les soldats y entraient jusqu’aux genoux, et ne pouvaient résister à leur violence qu’en se tenant deux ou trois par le bras. Quoique je n’eusse aucune expérience de l’art militaire, il me sembla que des guerriers à demi sauvages, tels qu’on m’avait représenté les montagnards, pouvaient, dans de semblables lieux, attaquer avec avantage des forces régulières. Le bon sens du bailli et sa pénétration lui avaient fait faire les mêmes remarques ; je le vis par la demande qu’il fit de parler au capitaine, à qui il adressa ces paroles : « Capitaine, ce n’est pas pour m’attirer aucune faveur de votre part, car c’est une chose que je méprise, et je commence même par protester que je me réserve toujours mon action contre vous pour cause de violence et de détention arbitraire… mais comme ami du roi George et de son ar-

  1. Tyran féodal, lequel périt les pieds embarrassés dans les étriers de son cheval, qui l’entraîna au loin et ne fit de son corps qu’une seule plaie. a. m.