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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/378

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du roc, avec une anxiété presque délirante, et ne manquant jamais, chaque fois qu’il avait une main libre, de l’étendre vers les montagnards qui étaient en bas, comme pour les prier de détourner de lui les canons de leurs fusils. Les montagnards s’amusaient beaucoup de la terreur d’André : ils tirèrent deux ou trois coups de fusil sans aucun dessein de le blesser, je le crois, mais seulement dans l’intention de se divertir de sa frayeur excessive, et de le voir redoubler et d’efforts et d’agilité pour atteindre le terme d’une course périlleuse que la crainte d’une mort immédiate pouvait seule lui donner le courage d’entreprendre.

Enfin il arriva en terre ferme, ou pour mieux dire il tomba sur un terrain plat ; car, ayant glissé lorsqu’il était peu éloigné du pied de la montagne, il roula jusqu’en bas. Quelques montagnards, qui s’apprêtaient à le recevoir, l’aidèrent à se relever ; mais avant qu’il fût affermi sur ses jambes, ils l’avaient déjà dépouillé non seulement du contenu de ses poches, mais lui avaient enlevé perruque, chapeau, habit, veste, bas et souliers, et cela avec une dextérité si admirable, que cet homme que l’on avait vu tomber complètement habillé, se releva presque nu. En un clin d’œil il était devenu un véritable épouvantail. Sans avoir égard à la douleur que faisaient éprouver à ses pieds nus les broussailles et les aspérités du roc, les montagnards l’entraînèrent vers le théâtre du combat.

Pendant qu’ils descendaient ainsi, ils nous découvrirent à notre tour, M. Jarvie et moi. Aussitôt une demi-douzaine de montagnards armés se précipitent vers nous, et nous menacent à la fois de leurs épées, de leurs poignards et de leurs pistolets. Le moindre signe de résistance eût été un acte de folie, d’autant plus que nous étions sans armes. Nous nous soumîmes donc à notre sort, et ce fut avec quelque rudesse que ceux qui s’étaient chargés de notre toilette se préparaient à nous réduire à peu près à l’état de nature (pour me servir de l’expression du roi Lear), comme ils avaient fait au pauvre bipède sans plumes qui grelottait, à quelques pas de nous, de frayeur autant que de froid. Un hasard favorable nous épargna pourtant ce dernier malheur, car au moment où je venais d’être débarrassé de ma cravate (une élégante steinkerque, par parenthèse, et garnie de denlelles), et où le bailli venait d’être dépouillé des restes de sa redingote, Dougal parut, et la scène changea. Au moyen de vives remontrances, mêlées de jurements et de menaces, du moins à ce que put me faire présumer la violence de ses gestes, il força les pillards, mal-