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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/421

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Mais, » continua-t-il en remplissant lentement une petite mesure de bois qui pouvait contenir trois verres, « c’était un homme très-sobre en fait de boisson, comme je le suis moi-même… À votre santé, Robin (buvant), et à votre salut dans ce monde et dans l’autre (buvant encore), et à la santé de ma cousine Hélène et de vos deux grands garçons, dont je me propose de vous entretenir plus tard. »

En parlant ainsi, il avala le contenu de la mesure avec beaucoup de gravité et d’importance, tandis que Mac-Gregor me jeta en souriant un regard de côté comme pour attirer mon attention sur l’air de supériorité et d’autorité magistrale que le bailli prenait avec lui dans la conversation, et qu’il exerçait plus impunément sur Rob à la tête de son clan armé que quand ce dernier était à sa merci dans la prison de Glasgow. Il me sembla que Mac-Gregor voulait me faire comprendre, à moi étranger, que s’il se soumettait au ton que son parent avait pris avec lui, c’était en partie par égard pour les droits de l’hospitalité, mais surtout parce qu’il s’en amusait.

Ce ne fut qu’en posant sa coupe sur la table que le bailli me reconnut : il me félicita cordialement de mon retour, mais n’entra, pour le moment, en aucune explication avec moi.

« Nous nous occuperons plus tard de vos affaires, me dit-il ; il faut commencer de droit par celles de mon cousin. Je présume, Robin, qu’il n’y a personne ici qui puisse rapporter rien de ce que je vais vous dire, au conseil de la ville ou partout ailleurs, à mon préjudice ou au vôtre ?

— Soyez tranquille sur ce point, cousin Nicol : la moitié de mes gens n’entend pas ce que vous dites, et l’autre moitié ne s’en soucie guère. D’ailleurs, ils savent bien que j’arracherais la langue au premier qui oserait répéter une seule des paroles prononcées en sa présence.

— Eh bien, cousin, puisqu’il en est ainsi, et que M. Osbaldistone est un jeune homme prudent et un ami sûr, je vous dirai franchement que vous élevez votre famille à faire un vilain métier. » Puis ayant toussé deux ou trois fois pour s’éclaircir la voix, et par forme de préliminaire, il s’adressa à son parent, cherchant à remplacer son sourire familier par un regard grave et austère, comme Malvolio[1] se proposait de le faire quand il siégerait en

  1. Personnage ridicule d’une pièce de Shakspeare, ayant pour titre : As you like it (Comme il vous plaira). a. m.