Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/425

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Que cela ne vous inquiète pas, cousin, » répondit Rob en riant ; « au besoin elle sera toujours ouverte à un ami et pour payer une dette légitime. Tenez, » ajouta-t-il en tirant un rouleau de pièces d’or, « voici vos mille marcs ; examinez-les et voyez si le compte est juste. »

M. Jarvie prit l’argent en silence et le soupesa quelques moments dans sa main, puis il le reposa sur la table en disant : « Rob, je ne saurais le prendre ; non, je ne veux pas toucher à cet argent, cela me porterait malheur. J’ai trop bien vu aujourd’hui de quelle manière l’or vous arrive. Bien mal acquis ne profite jamais. Et, pour vous parler franchement, je n’ose y toucher ; il me semble qu’il y a sur cet or des taches de sang.

— Bah, bah ! » dit le proscrit en affectant une indifférence qu’il n’éprouvait peut-être pas réellement. « C’est du bon or de France, et qui n’a jamais été dans la poche d’un Écossais avant d’entrer dans la mienne. Regardez-les, cousin, ce sont de beaux et bons louis d’or, aussi brillants que le jour où ils ont été frappés.

— C’est encore pire, c’est encore pire, Robin, » dit le bailli en détournant les yeux du rouleau, quoique, comme César refusant la couronne aux Lupercales, les doigts parussent lui démanger. « La rébellion est un crime pire encore que la sorcellerie et le vol : c’est un précepte de l’Évangile.

« Laissons là le précepte, cousin, » répondit le chef montagnard ; « cet or est arrivé entre vos mains d’une manière honnête, puisque c’est le paiement d’une dette légitime. Il vient d’un roi, et vous pouvez, si bon vous semble, le donner à l’autre ; cela lui servira à affaiblir l’ennemi. Le pauvre roi Jacques ne manque ni de cœur ni d’amis, mais je doute qu’il ait beaucoup d’argent.

— Alors il doit peu compter sur les montagnards, » dit M. Jarvie en remettant ses lunettes sur son nez ; et défaisant le rouleau, il se mit à compter le contenu.

« Ni sur les habitants des basses terres, » dit Mac-Gregor en fronçant le sourcil, et jetant un coup d’œil d’abord sur moi, puis sur M. Jarvie, qui sans se douter du ridicule qu’il se donnait, pesait scrupuleusement chaque pièce suivant son habitude. Le bailli, après avoir compté deux fois la somme qui formait le paiement de sa dette en principal et intérêts, remit à Rob-Roy trois pièces pour acheter une robe à sa cousine, dit-il, et deux autres pour ses enfants, en les laissant libres d’acheter ce qu’il leur plairait,