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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/43

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épaules du sans-culotte, lesquels, dépouillés du manteau qui devait les protéger, s’étaient couverts de givre. Le jeune berger se leva avec la crainte d’être battu, au moins, quand on découvrirait avec quel luxe il s’était accommodé aux dépens du principal personnage de la troupe. Toutefois le bon lieutenant ouvrit les yeux, se secoua, ôtant le givre avec son plaid, et se plaignant à voix basse de la fraîcheur de la nuit. Ils se remirent en marche, et les bestiaux furent rendus au propriétaire, sans autre aventure.

Ce qu’on vient de lire ne peut guère s’appeler une anecdote ; mais cependant il y a là de quoi inspirer le poète et le peintre.

Ce fut peut-être vers le même temps que, par une marche rapide dans les montagnes de Balquhidder, à la tête d’un corps de ses propres tenanciers, le duc de Montrose surprit Rob-Roy, et le fit prisonnier ; on le mit en croupe derrière un des vassaux du duc, nommé James Stewart, et on l’attacha au cavalier par une longe. Ce James Stewart était le grand-père de l’homme intelligent qui tenait une auberge dans le voisinage du Loch-Katrine et servait de guide aux curieux qui venaient visiter ce magnifique paysage. Cet homme a cessé de vivre. C’est lui qui m’a conté cette histoire bien des années avant d’être aubergiste ; alors il ne servait encore de guide qu’aux chasseurs de bécassines. C’était le soir, pour en revenir à mon histoire, et le duc faisait doubler le pas, afin de loger dans un endroit sûr un prisonnier qu’il avait si long-temps poursuivi en vain, lorsqu’en traversant le Teith, ou le Forth, j’ai oublié lequel, Mac-Gregor se mit à conjurer Stewart, par tous les liens d’une vieille connaissance et d’un bon voisinage, de lui donner quelque chance d’échapper à une mort certaine. Stewart, touché de compassion, peut-être aussi par un sentiment moins généreux, desserra la courroie, et Rob, se laissant glisser de la croupe du cheval, plongea, nagea, et s’échappa avec la même adresse qu’il est dit dans ce roman. Quand James Stewart fut arrivé sur le bord, le duc s’empressa de lui demander où était son prisonnier ; ne recevant pas de réponse claire, il le soupçonna aussitôt d’avoir favorisé l’évasion du proscrit ; et, tirant un pistolet de sa ceinture, il lui en déchargea sur la tête un coup si violent, que jamais, dit son petit-fils, il n’en fut complètement remis.

Le bonheur de s’être soustrait si souvent aux poursuites de son puissant ennemi rendit Rob-Roy fanfaron et facétieux ; il adressa au duc une provocation en style burlesque : cette pièce circula