Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Stewart s’y rendirent au nombre de deux cents hommes bien armés, afin de se faire justice de vive force ; les Mac-Gregor s’apprêtèrent à soutenir la lutte, mais ne purent mettre sur pied des forces aussi nombreuses, ce qui engagea Rob-Roy à demander une entrevue, dans laquelle il représenta que les deux clans étaient amis du roi, et que, ne voulant pas les voir s’affaiblir par d’inutiles querelles, il cédait à Appin le territoire tant disputé d’Invernenty. Il faisait de nécessité vertu. Appin y établit donc comme tenanciers, moyennant une somme modique, les Mac-Larens, famille dépendante des Stewart, et dont la force et la bravoure donnaient à espérer qu’ils sauraient maintenir leurs droits contre les Mac-Gregor.

Quand tout fut arrangé à l’amiable, en présence des deux clans armés, près de l’église de Balquhidder, Rob-Roy, craignant sans doute que sa tribu ne crût avoir cédé trop aisément en cette occasion, s’avança, et dit que, puisque tant de galants hommes étaient réunis sous les armes, il serait honteux de se quitter sans lutter d’adresse, et qu’ainsi il prenait la liberté d’inviter un brave quelconque des Stewart présents à échanger quelques coups avec lui, pour l’honneur de leurs clans respectifs. Le beau-frère d’Appin et second chef du clan, Alaster Stewart d’Invernahyle, accepta le défi, et les combattants, armés de l’épée et de la targe, s’avancèrent entre les deux clans[1]. Le combat finit dès que Rob eut reçu une légère blessure au bras : c’était l’usage lorsque l’on se battait sans haine et pour l’honneur seulement. Rob-Roy félicita son adversaire d’avoir été le premier homme qui lui eût jamais tiré une goutte de sang ; le vainqueur généreux reconnut que, sans l’avantage de la jeunesse et l’agilité qui l’accompagne, il n’aurait probablement pas eu cet honneur.

Cet exploit fut sans doute un des derniers de Rob-Roy. L’époque de sa mort est incertaine ; mais on dit généralement qu’il vécut au-delà de l’année 1738 et mourut très-âgé. Quand il vit approcher l’heure fatale, il montra quelque contrition pour certaines particularités de sa vie : sa femme sourit de ces scrupules de

  1. D’après certains récits, Appin lui-même eût été l’adversaire de Rob-Roy en cette occasion. Autant que je me rappelle le récit d’Invernahyle, ce fut, comme je le dis, le beau-frère d’Appin. Mais le temps où l’on m’a communiqué ces renseignements est aujourd’hui si éloigné, qu’il est possible que je me trompe. Invernahyle n’était pas grand, mais bien fait, fort comme un athlète, et très-habile à manier l’épée.