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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/478

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« Et ma foi, » disait André en me faisant ce récit, « je leur dis tout ce que je savais ; car de ma vie je n’ai refusé de répondre en présence de pistolets et de poignards. »

Ils se parlèrent bas entre eux, et enfin réunirent leurs bœufs, qu’ils dirigèrent vers l’entrée de l’avenue : elle pouvait avoir un demi-mille de longueur. Là ils se mirent à transporter des arbres qui avaient été abattus dans le voisinage, et à en faire une sorte de barricade en travers de la route, à quinze pas environ de l’avenue. Le jour commençait à paraître, et la pâle lueur qui venait de l’orient, se mêlant aux derniers rayons de la lune, éclairait assez distinctement les objets. Le bruit sourd d’une voiture à quatre chevaux, escortée par six cavaliers, qui roulait dans l’avenue, se fit entendre. Les montagnards écoutèrent attentivement. La voiture contenait Jobson et ses malheureux prisonniers ; l’escorte était composée de Rashleigh et de plusieurs officiers de paix à cheval. À peine eûmes-nous passé la grille de l’avenue, qu’elle fut fermée derrière la cavalcade par un montagnard posté là à dessein. Tout aussitôt après, la marche de la voiture fut arrêtée par les bestiaux au milieu desquels il lui fallait passer, et par la barricade. Deux des hommes de l’escorte mirent pied à terre pour débarrasser le chemin des arbres qui l’obstruaient, et qu’ils pouvaient croire y avoir été laissés accidentellement ; les autres se mirent en devoir de fouetter les bœufs pour les éloigner de la route.

« Qui ose frapper nos bêtes ? » dit une voix forte ; « feu sur lui, Angus ! »

Rashleigh s’écria au même instant : « C’est un coup monté ! » et il blessa d’un coup de pistolet celui qui avait parlé.

« Claymore[1]  ! » s’écria le chef des montagnards, et le combat s’engagea sur-le-champ. Surpris par une attaque si soudaine, les officiers de justice, qui généralement ne sont pas pourvus d’une grande intrépidité, firent une assez pitoyable défense eu égard à leur nombre. Quelques-uns voulurent retourner au château ; mais un coup de feu parti de derrière la grille leur fit penser qu’ils étaient cernés, et ils se dispersèrent dans toutes les directions. Rashleigh était descendu de cheval, et soutenait corps à corps un combat désespéré contre le chef des montagnards. Assis près d’une portière de la voiture, je les suivais des yeux. Enfin Rashleigh tomba.

  1. Claymore, épée que portent les montagnards écossais. Cette exclamation équivaut à notre cri Aux armes ! a. m.