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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/83

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— M. Francis, » dit le premier commis en inclinant un peu la tête et en élevant légèrement la main droite, tic qu’il avait contracté par l’habitude de mettre sa plume derrière son oreille avant de parler ; » M. Francis paraît comprendre le principe fondamental de tout calcul moral, la grande règle de trois. Que A fasse à B ce qu’il voudrait que B lui fît, le produit sera la règle de conduite demandée. »

Mon père sourit, en voyant réduire à une formule arithmétique le divin précepte ; mais il reprit aussitôt : « Tout cela ne signifie rien, Frank ; vous avez gaspillé votre temps comme un enfant, et il faut apprendre à vivre désormais en homme. Je chargerai Owen de vous donner ses soins pendant quelques mois, pour regagner le terrain perdu… »

J’allais répondre ; mais Owen me regarda d’un air si suppliant et si expressif, que je gardai involontairement le silence.

« Nous allons maintenant, continua mon père, reprendre le sujet de ma lettre du 1er courant, à laquelle vous m’avez fait une réponse aussi irréfléchie que peu satisfaisante. Voyons, versez-vous à boire, et passez la bouteille à Owen. »

Le manque de courage… d’audace, si vous voulez, ne fut jamais mon défaut. Je répondis fermement « que si ma lettre avait été peu satisfaisante, j’en étais fâché ; mais qu’elle n’était pas irréfléchie, car j’avais donné à la proposition qu’il avait eu la bonté de me faire la plus sérieuse attention ; et ce n’était pas sans peine que je m’étais vu forcé de n’y pas souscrire. «

Mon père fixa un instant sur moi son œil vif, et le détourna aussitôt. Comme il ne répondait rien, je crus que c’était à moi de continuer, quoique avec un peu d’hésitation, et il ne m’interrompit que par des monosyllabes.

« Il est impossible, monsieur, d’avoir pour aucune carrière plus de respect que je n’en ai pour le commerce, ne fussiez-vous pas négociant.

— Vraiment !

— Il unit les nations avec les nations, remédie aux besoins et contribue au bonheur de tous ; il est à la république générale du monde civilisé ce que, dans la vie ordinaire, un commerce journalier est à une société particulière, ou plutôt ce que l’air et la nourriture sont à nos corps.

— Eh bien, monsieur ?

— Et pourtant, monsieur, je me trouve forcé de persister dans