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Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/118

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ner à notre cassine près Sedan, où mon frère me voyant fort triste eut la complaisance de venir avec nous.

Ce fut là, pour la première fois, que M. Mazarin, qui n’étoit pas bien aise d’avoir un semblable témoin de sa conduite domestique, ne sachant comment s’en défaire autrement, s’avisa de faire semblant d’en être jaloux. Jugez du ressentiment que je dus en avoir pour une si grande méchanceté. Que si tous ces outrages paroissent durs à souffrir, en les entendant raconter, la manière de les faire étoit encore quelque chose de plus cruel. Vous en jugerez par cet échantillon. Un soir que j’étois chez la Reine, je le vis venir à moi tout gai, et avec un rire contraint et affecté, pour me faire tout haut ce compliment : J’ai une bonne nouvelle à vous donner, madame, le Roi vient de me commander d’aller en Alsace. M. de Roquelaure, qui se trouva présent, indigné comme le reste de la compagnie de cette affectation, mais plus franc que les autres, ne put se tenir de lui dire, que c’était là une belle nouvelle à venir donner avec tant de joie à une femme comme moi ; mais M. Mazarin, sans daigner répondre, sortit tranquillement de la chambre, tout fier de sa galanterie. Le Roi, à qui on la conta, en eut pitié. Il prit la peine de me dire lui-même, que mon voyage ne serait que de trois mois, et me tint parole comme il a toujours fait.

Si je n’avois peur de vous ennuyer, je pourrois vous dire mille malices semblables qu’il me faisoit sans aucune nécessité, et pour le seul plaisir de me tourmenter, comme celle-là. Imaginez-vous donc des oppositions continuelles à mes plus innocentes