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Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/136

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commodement plus stable et plus avantageux avec M. Mazarin, que les précédents. M. de Rohan nous pria de trouver bon qu’il m’y vînt joindre avec mon frère quand j’y serois, et nous ne pûmes pas honnêtement le refuser. J’avois mes raisons pour croire que M. Mazarin ne me verroit pas plutôt hors de France, qu’il accepteroit toute sorte de condition pour m’y faire revenir ; et la frayeur où je l’avois vu toutes les fois que je l’avois menacé de m’en aller, ne me permettoit pas d’en douter. Le désespoir où il me jetoit, m’avoit souvent portée à lui dire, que si j’étois une fois loin, il me courroit longtemps après avant que de me rattraper ; mais pour mon malheur, il n’a jamais cru que j’eusse ce courage, que quand il l’a vu.

Depuis que j’eus pris ma résolution, je négligeai si fort mon procès, que je me suis cent fois étonnée, comment ceux qui y prenoient intérêt, ne la devinèrent pas. Mme la Comtesse de qui j’étois plus en garde que d’aucun autre, fut la seule qui en eut quelque soupçon ; mais elle ne la crut pas. Elle venoit de temps en temps chez mon frère où nous ne songions en apparence qu’à nous réjouir pour mieux tromper le monde, et elle se tuoit d’y crier, que nous ne sollicitions point, et que c’étoit une honte. Huit jours avant que je partisse, elle s’y trouva quand un gentilhomme de mon frère nommé Parmillac vint prendre congé de nous pour aller, disoit-il, trouver son père qui commandoit quelque cavalerie en Lorraine ; mais en effet, pour aller disposer mes relais sur cette route, que j’avois choisie, comme celle dont on se défieroit le moins. La vue de cet homme, qui alloit commencer mon entre-