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Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/156

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cardinal Mancini en fit déloger par dépit une de ses sœurs, qui n’auroit fait que m’incommoder ; mais pendant un voyage que je fis à Marine, il s’en empara entièrement, et je fus contrainte à mon retour d’en louer une autre.

Il fallut bientôt engager mes pierreries pour subsister. Je n’avois encore pris que trois mille écus dessus, ce qui n’étoit rien, en comparaison de leur valeur, quand j’appris que l’homme qui les avoit n’étoit pas sûr. Je voulus les retirer, mais Mme Martinozzi m’avoit prévenue, elle avoit donné l’argent, et ne les vouloit pas rendre. M. le Connétable, feignant d’ignorer qu’elle les eût, obligea cet homme, par son autorité et ses menaces, de les ravoir d’elle, puisqu’il ne devoit pas les lui avoir données ; on écrivit après à M. Mazarin pour le prier de les dégager, et il répondit : qu’il falloit les laisser où elles étaient, et m’ôter tout moyen de subsister, afin de me réduire à mon devoir. Je fus contrainte de souffrir que Grillon, qui étoit le meilleur ami de mon frère et du Connétable, donnât l’argent qu’il falloit pour les avoir ; je le lui rendis bientôt, et le déplaisir que j’eus de me voir réduite à la nécessité d’avoir obligation à des gens qui pouvoient en abuser, me fit résoudre à faire un voyage en France, pour tâcher d’obtenir une pension de M. Mazarin.

Je partis avec mon frère, qui alloit épouser Mlle de Thiange ; et c’est à cette alliance que je suis redevable du bon succès de mon voyage. Nous demeurâmes près de six mois en chemin. Quand nous fûmes sur la frontière, nous résolûmes qu’il partiroit devant, et que j’y attendrois qu’il eût pris les sûretés qui m’étoient nécessaires pour passer outre ;