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Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/158

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querir au bout de trois mois, par Mme Bellinzani, un exempt et des gardes, dans un carrosse de Mme Colbert, chez qui mon frère avoit prié le Roi de me faire loger, comme dans un lieu où personne ne me pourroit contraindre de déguiser mes sentiments. Deux ou trois jours après, il me fit aller chez Mme de Montespan, pour me parler. Je n’oublierai jamais la bonté avec laquelle il me traita, jusqu’à me prier de considérer : que s’il n’en avoit pas mieux usé pour moi par le passé, ma conduite lui en avait ôté les moyens ; que je lui disse franchement ce que je voulois ; que si j’étois absolument résolue à retourner en Italie, il me feroit donner une pension de vingt-quatre mille francs ; mais qu’il me conseilloit de demeurer ; qu’il feroit mon accommodement aussi avantageux que je voudrois ; que je ne suivrois M. Mazarin dans aucun voyage ; qu’il n’auroit rien à voir sur mes domestiques ; que même, si ses caresses m’étaient odieuses, je ne serois pas obligée de les souffrir et qu’il me donnoit jusqu’au lendemain pour y songer.

J’aurois bien pu lui répondre sur-le-champ ce que je lui répondis le jour suivant : qu’après m’avair voulu perdre d’honneur, comme M. Mazarin avoit fait, et avoir refusé de me reprendre, lorsque je le lui avois fait offrir de Rome sans aucune condition, et qu’il me savoit dans la dernière nécessité, je ne pouvois me résoudre à retourner avec lui ; que quelques précautions qu’on pût prendre, de l’humeur dont il était, il m’arriveroit tous les jours vingt petites choses cruelles dont il ne seroit pas à propos d’aller importuner Sa Majesté ; et que j’acceptois avec une reconnaissance extrême la pension qu’il lui plaisoit de me faire donner.