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Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/16

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lire Sénèque et de l’imiter : encore aimerois-je mieux me laisser aller à la nonchalance de Pétrone, que d’étudier une fermeté que l’on n’acquiert pas sans beaucoup d’efforts.

Si vous étiez d’humeur à vous dévouer pour la patrie, je vous conseillerois de ne lire autre chose que la vie de ces vieux Romains qui cherchoient à mourir pour le bien de leur pays ; mais, en l’état où vous êtes, il vous convient de vivre pour vous, et de passer le plus agréablement que vous pourrez le reste de votre vie. Or, cela étant comme il est, laissez là toute étude de sagesse qui ne va pas à diminuer vos chagrins, ou à vous redonner des plaisirs. Vous chercherez de la confiance dans Sénèque, et vous n’y trouverez que de l’austérité. Plutarque sera moins gênant, cependant il vous rendra grave et sérieux, plus que tranquille. Montagne vous fera mieux connoître l’homme qu’aucun autre, mais c’est l’homme avec toutes ses foiblesses : connoissance utile dans la bonne fortune pour la modération, triste et affligeante dans la mauvaise.

Que les malheureux donc ne cherchent pas dans les livres à s’attrister de nos misères, mais à se réjouir de nos folies ; et par cette raison vous préférerez à la lecture de Sénèque, de Plutarque et de Montagne, celle de Lucien, de Pétrone, de Don Quichotte. Je vous