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Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/177

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DE SAINT-EVREMOND.

voudriez entreprendre, ne plaire pas est la seule dont vous ne sauriez venir à bout.

La vérité ne peut plus souffrir la violence que vous lui faites : elle veut reprendre la sécheresse et l’austérité que vous lui avez ôtées. Je vais lui rendre ses qualités naturelles ; et vous vous en apercevrez, Madame, à la lecture du petit discours que je vous envoie.


DISCOURS.

Aussitôt que nous avons perdu le goût des plaisirs, notre imagination nous offre des idées agréables, qui nous tiennent lieu de choses sensibles. L’esprit veut remplacer des plaisirs perdus ; et il va chercher ses avantages en l’autre monde, quand les voluptés qui touchoient le corps nous sont échappées.

Le dégoût du libertinage nous fait quelquefois naître l’envie de devenir dévots ; mais sommes-nous établis dans un état plus religieux et plus saint, nous passons la vie à vouloir comprendre ce qui ne sauroit être compris ; et il vient des temps de sécheresse et de langueur, où l’on fait de fâcheuses réflexions sur le tourment qu’on se donne pour un bien opposé aux sens, peu connu à la raison, conçu faiblement par une foi incertaine et mal assurée. C’est de là que viennent les plus grands désordres des