Aller au contenu

Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et l’estime demeurant la base et la sauvegarde des rapports mutuels. Le monde n’a prétendu d’ailleurs régler que la conduite publique ; c’était le conseil du bon sens, autant que du bon goût, et un immense progrès de la civilisation moderne. Aussi l’usage du monde est-il venu des classes les plus éclairées et les plus élevées, et de proche en proche il s’est étendu à tout esprit cultivé. Pour qui ne connoît pas le monde et la société polie, l’élégante familiarité des paroles et des manières fait soupçonner tout autre chose que la réalité. C’est pourquoi rien n’est plus faux que les jugements des mal-appris, à l’endroit d’une société qu’ils ne connoissent pas.

Le dernier terme de cette sociabilité si aimable a été posé au dix-septième siècle ; il a été l’ouvrage des salons, et du monde dont Saint-Évremond nous retrace les habitudes, les mœurs, les opinions et les sentiments. L’esprit françois y a trouvé l’occasion de son triomphe dans la société européenne. Il n’est pas étonnant que la faveur ait penché vers une galanterie qui n’étoit plus celle de la chevalerie, quoiqu’elle en provînt, puisqu’elle avoit un élément nouveau, la liberté du commerce des femmes, inconnue aux Maures, à l’Espagne, et même à l’Italie féodale. Les conversations sur l’amour, au dix-septième siècle, étoient un sujet de prédilection, chez Mme de Rambouillet, chez Mme de Sablé, chez Mme d’Albret, chez Mme de Soissons, partout. On en dissertoit, ou en raffinoit, dans les assemblées, et il nous en reste des monuments curieux. On parloit peu de politique, dans les salons, et jamais d’affaires ; les thèses morales, galantes ou philosophiques étoient l’exercice de tous les esprits qui