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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/416

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besoins, et les expliquer plus d’une fois, si vous voulez, qu’ils vous entendent. Il faut les pousser continuellement par l’intérêt de leur propre gloire et leur aplanir tous les chemins. Leur cœur est toujours dans une espèce de léthargie : secouez-les, ils se réveillent pour un moment, et donnent quelques signes de vie : ne leur dites plus rien, ils retombent dans leur premier état.

Au contraire, les offices des vrais amis ont je ne sais quoi de vif et d’animé, qui va toujours au-devant de nos besoins, et qui prévient même jusqu’à nos désirs3. Ils trouvent tout facile : on est quelquefois contraint de les retenir et de tempérer cette ardeur qui les porte au bien. C’est d’eux qu’on peut dire véritablement qu’ils croient avoir perdu leur journée, où ils n’ont rien fait pour ce qu’ils aiment…

Mais l’honneur qui se déguise sous le nom d’amitié n’est qu’un amour propre, qui se sert lui-même dans la personne qu’il fait semblant de servir. L’ami qui n’agit que par ce motif va seulement au bien, à mesure que le soin de sa


3. La Fontaine a dit, longtemps après Saint-Évremond, dans la fable des Deux Amis :

Qu’un ami véritable est une douce chose !
Il cherche vos besoins au fond de votre cœur,
        Et vous épargne la pudeur
        De les lui découvrir vous-même.