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Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/122

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Il serait difficile, sur cet objet, de donner des règles générales, et tout dépend des circonstances particulières. Aussi me bornerai-je à dire que, pour les hommes qui, au commencement d’une principauté nouvelle, étaient ennemis, et qui se trouvent dans une position telle, qu’ils ont besoin d’appui pour se maintenir, le prince pourra toujours très aisément les gagner, et que, de leur côté, ils seront forcés de le servir avec d’autant plus de zèle et de fidélité, qu’ils sentiront qu’ils ont à effacer, par leurs services, la mauvaise idée qu’ils lui avaient donné lieu de prendre d’eux. Ils lui seront par conséquent plus utiles que ceux qui, n’ayant ni les mêmes motifs ni la même crainte, peuvent s’occuper avec négligence de ses intérêts.

Et, puisque mon sujet m’y amène, je ferai encore observer à tout prince nouveau, qui s’est emparé de la principauté au moyen d’intelligences au dedans, qu’il doit bien considérer par quels motifs ont été déterminés ceux qui ont agi en sa faveur ; car, s’ils ne l’ont pas été par une affection naturelle, mais seulement par la raison qu’ils étaient mécontents de son gouvernement actuel, le nouveau prince aura une peine extrême à conserver leur amitié, car il lui sera impossible de les contenter.

En réfléchissant sur les exemples que les temps anciens et les modernes nous offrent à cet égard, on verra qu’il est beaucoup plus facile au prince nouveau de gagner ceux qui d’abord furent ses ennemis, parce qu’ils étaient satisfaits de l’ancien état des choses, que ceux qui se firent ses amis et le favorisèrent, parce qu’ils étaient mécontents.

Les princes ont été généralement dans l’usage, pour se maintenir, de construire des forteresses, soit afin d’empêcher les révoltes, soit afin d’avoir un lieu sûr de refuge contre une première attaque. J’approuve ce système, parce qu’il fut suivi par les anciens. De nos jours, cependant, nous avons vu Niccolo Vitelli démolir deux