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Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/175

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était leur gouvernement, et si on pouvait l’introduire dans Rome.

Nous prendrons pour exemple Sparte chez les anciens, Venise parmi les modernes, ainsi que nous l’avons déjà fait.

Sparte fut gouvernée par un roi et un sénat peu nombreux :

Venise ne divisa point ainsi le pouvoir sous des noms différents ; tous ceux qui participaient au gouvernement furent compris sous la même dénomination de gentilshommes ou nobles.

C’est au hasard plutôt qu’à la sagesse de ses législateurs, qu’elle dut ce mode de gouvernement. En effet, une foule d’habitants chassés des contrées voisines, par les causes rapportées plus haut, étant venus se réfugier sur les écueils où est maintenant assise la ville de Venise, les citoyens, voyant leur nombre tellement accru qu’il était nécessaire de s’imposer des lois pour pouvoir vivre ensemble, établirent une forme de gouvernement ; et comme ils se réunissaient fréquemment pour délibérer sur les intérêts de la cité, ils réfléchirent qu’ils étaient en assez grand nombre pour compléter leur existence politique, et ils refusèrent à tous ceux qui viendraient désormais se joindre à eux la faculté de participer au gouvernement. Par la suite, le nombre de ceux qui n’avaient pas ce privilége s’étant accru considérablement, pour donner plus de considération à ceux qui gouvernaient, on les nomma gentilshommes, et les autres popolani, ou bourgeois.

Cette forme de gouvernement put naître et se maintenir sans secousses, parce qu’à son origine tous ceux qui alors habitaient Venise furent appelés au pouvoir, de manière que personne n’eut de plaintes à former ; ceux qui vinrent par la suite y fixer leur demeure, trouvant le gouvernement complétement organisé, n’eurent ni le désir ni la possibilité d’exciter des tumultes. Le