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Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/225

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à honorer les dieux. C’est par les mêmes causes que l’oracle de Délos, le temple de Jupiter-Ammon, et d’autres non moins célèbres étaient admirés de l’univers et entretenaient sa dévotion. Mais quand ces oracles commencèrent à parler au gré des puissants, et que le peuple eut reconnu la fraude ; alors les hommes devinrent moins crédules, et se montrèrent disposés à se soulever contre le bon ordre.

Que les chefs d’une république ou d’une monarchie maintiennent donc les fondements de la religion nationale. En suivant cette conduite, il leur sera facile d’entretenir dans l’État les sentiments religieux, l’union et les bonnes mœurs. Ils doivent en outre favoriser et accroître tout ce qui pourrait propager ces sentiments, fût-il même question de ce qu’ils regarderaient comme une erreur. Plus à cet égard leurs lumières sont étendues, plus ils sont instruits dans la science de la nature, plus ils doivent en agir ainsi.

C’est d’une telle conduite tenue par des sages et des hommes éclairés, qu’est née la croyance aux miracles qui a obtenu du crédit dans toutes les religions, même fausses. Les sages mêmes les propageaient, de quelque source qu’ils dérivassent, et leur autorité devenait une preuve suffisante pour le reste des citoyens. Rome eut beaucoup de ces miracles, entre lesquels je citerai le suivant. Les soldats romains saccageaient la ville de Véïes ; quelques-uns d’entre eux entrèrent dans le temple de Junon, et s’étant approchés de sa statue, ils lui demandèrent si elle voulait venir à Rome, vis ventre Romam ? Les uns crurent qu’elle faisait signe d’y consentir ; d’autres, qu’elle avait répondu : Oui. Ces soldats, pleins de religion, ainsi que Tite-Live le démontre en faisant observer qu’ils entrèrent dans le temple sans désordre et pénétrés de respect et de dévotion, crurent aisément que la déesse faisait à leur demande la réponse qu’ils avaient probablement présumée ; et Camille, ainsi que les autres